Cent quatre cinq mille (145.000) km² d’espaces marécageux, situés à cheval entre le Congo et la RDC. La plus importante jamais découverte sous les tropiques.
Un tour dans la très dense forêt équatoriale de Lokolama en compagnie du cartographe forestier Bolivar Bongoigni-Sama. Il est originaire de la région et est l’auteur de la cartographie forestière de la zone, très marécageuse.
« Ici le sol n’est pas argileux, il est formé de la décomposition des feuilles. En faisant la cartographie de la zone, on s’est rendu compte que l’accumulation de la matière organique est importante », explique Bolivar Bongoigni-Sama.
Et c’est sur la base de cette information confirmée par des données satellitaires que le professeur Simon Lewis de l’université de Leeds en Grande-Bretagne et son équipe, en collaboration avec Greenpeace, ont organisé une expédition pour découvrir la concentration en tourbe de la région.
Une profondeur sous-estimée
Simon Lewis et son équipe font un tout premier prélèvement. Un sol organique humide composé partiellement de matières végétales décomposées sur une longue période. D’après le scientifique Simon Lewis, la tourbe « est formée de la décomposition de matières végétales ».
Pour le scientifique, « C’est un puits de carbone. La surprise ici c’est que nos estimations prévoyaient peut être une concentration de 15 centimètres voire un mètre au maximum. Mais ce que nous avons découvert est beaucoup plus. Ce qui veut dire que potentiellement, il y a plus de stockage de carbone dans cette région. »
La concentration découverte à Lokolama est de six mètres. Selon les premières analyses isotopiques menées par Corneille Ewango et ses collègues, la tourbe a commencé à s’accumuler dans la région il y a plus de 10.000 ans. « Cette tourbe, c’est de l’or pour moi en tant que scientifique… » avoue Simon Lewis.
Plus que de l’or pour les scientifiques
Non seulement c’est plus que de l’or, mais c’est aussi une chance pour le climat et l’humanité. Le botaniste congolais Corneille Ewango, de l’Université de Kisangani, fait partie de l’équipe. « Comme vous le voyez, cette zone joue un double rôle. La forêt stocke le carbone et la tourbe aussi. Or il n’y a pas de tourbe sans la forêt. Ce qui veut dire que si vous raser cette zone, vous émettez doublement du CO2 dans la nature. »
Malheureusement, les forêts du Bassin du Congo sont soumises à des pressions croissantes. En Asie, des zones similaires ont disparu du fait de l’homme.
Le paysan Valentin Egobo dit comprendre mais il n’a pas de choix: « on doit équilibrer. Nous, nous vivons de et dans la forêt. On ne peut pas nous l’empêcher. Dans ce cas, on a besoin de contrepartie. »
Après la découverte, les deux Congo qui partagent la zone que couvre la tourbière veulent une compensation au sacrifice des riverains. Des riverains qui renonceraient à cultiver ces terres pour ne pas aggraver le réchauffement climatique. Car la menace pour la tourbière au Congo vient aussi de l’exploitation forestière.