« Au nom du Père, du Fils et de JM Weston » de Julien Mabiala Bissila a été jouée jeudi 21 décembre au théâtre Jean Vilar de Vitry sur Seine
Non, on ne se lasse pas d’une si grande gravité ! Surtout quand elle est servie par un trio splendide, au langage truculent, à la présence apodictique. Jeudi 21 décembre au théâtre Jean Vilar de Vitry sur Seine, se jouait à nouveau Au nom du Père, du Fils et de JM Weston de Julien Mabiala Bissila, une pièce saluée par la critique et primée aux Journées de Lyon des auteurs de théâtre en 2011, sélectionnée par Radio France pour deux lectures publiques – une pour France Culture et une pour RFI, à l’occasion du festival d’Avignon 2013.
Comme à l’accoutumée, les Congolais de France brillaient par leur absence, à l’exception de quelques férus de culture, de la grande Culture (Jackson Babingui, Morley Moussala, Anthony Mouyongui, Alvie Bitemo, etc.) Normal, ils sont fâchés avec la Culture. Qu’à cela ne tienne ! Le public français était venu en grand nombre, s’extasier du verbe congolais.
Au nom du Père, du Fils et de JM Weston évoque l’histoire de deux frères survivants d’une guerre prétendument ethnique, ayant eu lieu au Congo. Ils reviennent sur les lieux de leur enfance, vers Kinsoundi, à Brazzaville, à la recherche du passé. Mais, surtout, d’une paire de chaussures dont tout Sapeur digne de ce nom se doit d’avoir : JM Weston. Oui, au milieu des débris, du chaos, se trouve toujours une lueur d’espoir et cette lueur d’espoir est symbolisée par la paire de chaussures Weston. La Sape n’est-elle pas cette « grâce d’exister, cette stupeur d’être » ? Elle est « l’amitié que chacun se doit », « une absolue perfection, et comme divine, de savoir jouir loyalement de son être… Notre grand et glorieux chef-d’œuvre c’est de vivre à propos. Toutes autres choses, régner, thésauriser, bâtir, n’en sont qu’appendicules et adminicules pour le plus. » (Montaigne)
La quête symbolique – celle de la paire de chaussures – se double d’une recherche mémorielle. Le but est la catharsis (Et, en représentant la pitié et la frayeur, elle (la représentation) réalise une épuration (catharsis) de ce genre d’émotions), de vomir la douleur générée les souffrances vécues par la famille. Pari réussi ! Au sortir de cette représentation, chacun est en effet comme face à lui-même, face à son inhumanité. Chacun est face à l’absurdité de la haine.
Par cette pièce, Julien Mabiala Bissila montre toute l’étendue de son talent d’ouvrier des mots. Car les mots ici se font autres. Des volutes de fumées opiacées. Enivrants. Un humour noir servi par une prose immensément truculente, voire rageuse. Malentendus et répliques vous donnent le sentiment de participer à la scène.
Clin d’œil à l’immense Papa Wemba quand résonne la chanson Proclamation. Clin d’œil à Rapha Boundzéki quand Marcel Mankita entonne Parisien Refoulé. Clin d’œil aux précurseurs de la Sape, à l’instar de Francos Ouomo. Le nkélo (théorie) a été dit, s’il vous plaît, en…lari. Comme pour signifier que la Sape se décline en lari, pas en français ni en anglais. Et il est aussi question de la djatance, exécutée par un Criss Niangouna au meilleur de sa forme.
A vrai dire, Au nom du Père, du fils et de JM Weston (bientôt Corthay ou Green ?) est une pièce de théâtre sur la vie. Du moins sur l’amour. Le vrai amour. Voilà !