Par Jean-Yves Ollivier, président de la fondation « Brazzaville pour la paix et la préservation de l’environnement »
Les faux médicaments tuent chaque année 800.000 personnes à travers le monde. L’Afrique est l’une des parties du monde les plus touchées : selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 30 % à 60 % des remèdes en circulation sur ce continent, pourtant essentiels à la santé quotidienne (antipaludéens, antituberculeux), seraient faux. Souvent, ces comprimés ou sirops falsifiés ne contiennent pas de principes actifs, ou alors en quantité insuffisante. Pis, ils peuvent contenir de véritables poisons : peinture, poussière, antigel et arsenic.
Peut-on tolérer plus longtemps que la santé de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants soit sacrifié pour enrichir un marché minutieusement contrôlé par le crime organisé ? Car la fausse pharmacie se porte bien : évaluée à près de 200 milliards de dollars, elle constitue la deuxième source de revenus criminels dans le monde, devant le trafic de stupéfiants!
Extrêmement rentable, ce trafic est pourtant peu réprimé. Faute de législation spécifique aux faux médicaments, faute de poursuites coordonnées et de coopération internationale efficace, les auteurs sont généralement poursuivis pour de simples faits de contrefaçon. Et les peines prononcées sont minimes : entre quinze jours et quelques mois d’emprisonnement. Cette impunité est intolérable au vu de la menace pour la santé des personnes et la sécurité des États.
Aucun pays ne peut endiguer seul la menace. Saluons le courage et la ténacité d’États africains tels que le Rwanda, le Togo, la Guinée, qui, avec des moyens souvent limités comparés à ceux de l’adversaire, ont mis en place des politiques de santé publique et des opérations de démantèlement. Face à ce danger, l’Afrique est tout aussi concernée que la Chine, l’Inde ou l’Europe. Il y a tout juste quelques semaines, le président de la République du Congo, Denis Sassou-Nguesso, interpellait les chefs d’États du monde entier à la tribune de l’assemblée générale des Nations unies pour répéter ce message : la lutte contre les faux médicaments doit devenir un enjeu international majeur.
La fondation Brazzaville, qui œuvre pour la paix et la conservation de la nature en Afrique, s’est engagée afin que l’accès aux soins reste un droit fondamental pour tous. Nous avons défini une feuille de route qui appelle à la collaboration de différents acteurs internationaux dans trois domaines prioritaires. Le premier est la redéfinition d’une politique pénale internationale envers les trafiquants, pour que la sentence soit proportionnelle au crime. Le deuxième est l’amélioration de la traçabilité des médicaments, ainsi que le démantèlement des réseaux de fabrication et de distribution. Cela demande l’implication de plusieurs acteurs tels que l’OMS et Interpol, mais aussi l’Organisation mondiale des douanes (OMD), l’industrie pharmaceutique… En 2013, 29 sociétés pharmaceutiques se sont alliées à Interpol et à l’OMS pour démanteler les réseaux de trafic. Cela a permis la mise en place d’opérations de saisies mondiales. En septembre dernier, ce sont ainsi 25 millions de médicaments falsifiés qui ont été interceptés dans 123 pays.
Enfin, parce que l’information et l’éducation jouent un rôle fondamental dans le combat contre les faux médicaments, il est primordial de mettre en place, à l’échelle internationale, des campagnes de sensibilisation à destination des populations, pour leur apprendre à détecter les produits contrefaits et les informer des risques liés aux circuits de distribution non officiels. Une alliance avec l’industrie est indispensable pour que les plus pauvres ne soient plus les premières cibles.
C’est un grand défi qui se présente à nous car l’attente renforce cette industrie criminelle. Face à ce péril, les institutions internationales ont les cartes en main pour arriver à une solution pérenne, et ainsi faire du droit à la santé une réalité pour tous.
- Tribune initialement publiée sur lejdd.fr