L’écrivain a refusé la mission sur la francophonie proposée par le président Macron.
Il y a deux ans, l’écrivain Alain Mabanckou prenait la plume pour dénoncer le silence des autorités françaises sur les manipulations électorales au Congo-Brazzaville. Les opposants congolais reprochaient alors à François Hollande d’avoir laissé Denis Sassou N’Guesso modifier sa constitution pour s’imposer un énième mandat.
En mars 2016, les élections congolaises se déroulent dans un black-out général et donnent lieu à des violences et les arrestations, dont celle du général Jean-Marie Michel Mokoko. Mabanckou qui alors anime des conférences très remarquées au Collège de France cherche à tout prix à être reçu par le président Hollande pour lui dire le fond de sa pensée. Il y parvient, mais la rencontre ne donne lieu à aucun commentaire de l’intéressé. Curieux.
L’automne dernier, nous vient l’idée de proposer à Alain Mabanckou un face-à-face avec le journaliste congolais Guy-Milex Mbonzi. L’idée consiste à confronter un journaliste de terrain avec un écrivain à succès, expatrié sous le soleil californien, mais préoccupé par la situation politique de son pays. Il accepte mais, voyant les questions disparaît de la circulation.
Le journaliste Guy-Milex Mbonzi interrogeait l’écrivain sur les démarches effectuées auprès d’ONG des droits de l’homme ou d’institutions internationales « pour que cessent définitivement les violences dans le département du Pool ». Il le questionnait sur les actions entreprises pour « l’orientation des jeunes talents qui veulent se lancer dans le même domaine que vous au Congo-Brazzaville et en Afrique ». Il rappelait aussi à Mabanckou son rôle de co-organisateur du festival « étonnants voyageurs » avec le gouvernement congolais. « Etait-ce une façon pour vous d’accorder du crédit au régime en place ? », demande Guy-Milex Mbonzi espérant sans doute un Mea Culpa.
Alain Mabanckou n’a répondu à aucune des questions. Nous ne saurons donc pas ce qu’il a entrepris –ou pas- pour aider le peuple congolais, dont il se présente comme le défenseur. On sait en revanche ce que l’écrivain compte faire pour la francophonie: rien. Dans une lettre ouverte au président Macron publiée le 15 janvier, Alain Mabanckou officialise son refus de participer à la mission proposée par le président français sur la francophonie. Dans ce qui ressemble plutôt à un joli coup de pub, l’écrivain déclare que « la Francophonie est malheureusement encore perçue comme la continuation de la politique étrangère de la France dans ses anciennes colonies ». Voilà une bien mauvaise nouvelle pour l’auteur de « Verre cassée », auréolé en 2005 du Prix des Cinq continents… de la Francophonie. Il faut dire qu’à l’époque, Alain Mabanckou entretenait de bonnes relations avec Brazzaville. L’Organisation pour la Francophonie n’en avait pas encore.
En 2013, sous l’impulsion du précédent Secrétaire général Abdou Diouf que l’Organisation pour la Francophonie mandate une équipe d’experts pour initier une série de consultations au Congo-Brazzaville. L’objectif consiste à évaluer la situation politique avec l’optique In Fine d’accompagner les élections. Parmi les recommandations formulées alors par l’OIF, figurent la réforme de la commission électorale jugée trop « partiale » par les opposants, la constitution d’un nouveau fichier électoral et l’amélioration de la couverture médiatique des élections qui au Congo-Brazzaville. Un comité de suivi est mis en place pour accompagner les petites réformes que le pouvoir se résout à entreprendre (l’abaissement de l’âge des candidats et la féminisation de la vie politique). Pas grand-chose, mais ni les Nations-Unies et encore moins l’Union africaine ne parviennent à obtenir des concessions du maitre de Brazzaville. « Notre état d’esprit est d’encourager ce qu’on peut encourager », confie un membre de l’Organisation. Un travail d’accompagnement de réformes est mis sur pied, mais le processus électoral ne donne lieu à aucun suivi. L’élection de mars 2016 ne fait l’objet d’aucune validation par la Francophonie. «Nous menons une diplomatie discrète qui apporte ses petits résultats », reconnait notre source à l’OIF, qui cite les efforts pour le cessez-le-feu signé récemment entre le pasteur Ntumi et le régime de Sassou-Nguesso.
L’institution mènerait-elle en parallèle, comme le sous-entend Mabanckou, un agenda caché pour servir les intérêts de la France au Congo, ou ailleurs en Afrique ? L’écrivain n’apporte aucun élément de preuve. Pourtant, en matière de politique étrangère de la France en Afrique, Mabanckou sait de quoi il parle. L’écrivain a eu le droit à un tête-à-tête avec le président Hollande à l’Elysée sur le sujet. Il n’en est malheureusement rien ressorti. Si prompt à rejoindre le chœur des pourfendeurs de la « françafrique », l’écrivain aurait-il lui aussi ses petits secrets? En attendant le prochain coup de pub, le journaliste Guy-Milex Mbonzi attend toujours les réponses à ses questions.