Par Van Theophane Anicet Mokoko, Economiste
Le rachat de la dette commerciale consacrée par le Club de Brazzaville, à hauteur de 300 milliards FCFA, soit l’équivalent de 458 millions d’euros (menée en tête de file par BGFI Capital, ainsi que d’autres institutions bancaires), a été accueilli comme une bonne nouvelle pour l’économie Congolaise. L’opération permet d’alléger de façon conséquente la dette intérieure et donc, en théorie, de redonner du pouvoir d’achat aux entreprises dument identifiées auprès de la Caisse Congolaise d’amortissement (organe en charge de la gestion de la dette). Dans cette logique, cet apurement permettra de renflouer la trésorerie de ces entreprises qui pour la plupart étaient en difficulté depuis près de 5 ans.
Seulement, le contexte économique peu reluisant avec, en toile de fond, une baisse de confiance des organisations patronales, pourrait également entrainer la fermeture de plusieurs sociétés. En effet, des mécanismes financiers doivent être mis en place pour rassurer les acteurs privés et leur redonner confiance. S’il est vrai que la crise du COVID-19 a fortement impacté l’activité de crédit sur le plan mondial et tout particulièrement dans notre sous-région CEMAC, il est plus que nécessaire que la Banque centrale puisse d’avantage soutenir les banques commerciales ainsi que les microfinances vecteurs de croissance.
Cependant, la plupart des entreprises retenues sur l’enveloppe des 300 milliards de FCFA vont essentiellement consacrer leurs dépenses au règlement des créances fournisseurs et paiement d’arriérés de salaires. En réalité, cela donne une marge très faible de relance à ces entreprises. Pour être plus précis, l’activité industrielle essentiellement orientée vers le BTP entre 2009 et 2015 a connu un ralentissement puis un arrêt quasi-brutal suite à la crise économique engendrée par la baisse des cours des matières premières a l’international.
Nombre de ces entreprises qui ont pré-financé certaines constructions se sont retrouvés face à des tensions de trésorerie. La relance de ces activités industrielles intègre des coûts additionnels tels que la réparation ou le rachat d’équipements lourds restées longtemps à l’arrêt, mais aussi et surtout de matériel de protection contre la pandémie. Les banques commerciales ayant réduit leur appétence pour le risque du fait de cette «poly crise», doivent disposer d’un «matelas financier» supplémentaire pour pouvoir relancer l’activité de crédit. Cette ligne spéciale serait donc soumise à un certain nombre d’obligations de la part des entreprises, qui doivent s’engager suivant un pacte entre le patronat, les banques et l’Etat à demeurer en activité sur le territoire pour au moins 3 à 5 ans.
Dans l’illustration ci-dessus, l’on suppose une entreprise BETA qui dispose d’une créance de l’ordre de 10.000 FCFA. Après règlement de la créance, cette dernière va consacrer plus de 80% de sa trésorerie à l’apurement de ses dettes antérieures (fournisseurs, réparation matériel et salaires) ; Ajouté à cela, une autre charge dite conjoncturelle (équipements anti-pandémie) qui vient s’y greffer. A ce stade, l’entreprise ne dispose plus que de 1 200 FCFA pour pouvoir relancer l’activité, chose quasi impossible. Suivant le montant de sa créance remboursée par l’Etat, et sur conseil de son financier, l’entreprise a besoin d’au moins 3000 FCFA pour redémarrer certaines activités (Ce montant correspond à 30% de 10.000FCFA).
Le gap à financer est de 1800 FCFA au moins pour espérer redémarrer l’activité industrielle. Sur une population d’entreprises cibles, si 10 présentent en moyenne le même profil, cela suppose que le besoin global de financement sera de 18.000FCFA. Dans ce cadre, la Banque centrale pourra adosser ce matelas auprès des banques commerciales qui vont l’octroyer sous forme de prêts.
Quels risques ?
Dans l’état actuel des choses, si un appui supplémentaire n’est pas apporté à ces entreprises, l’Etat pourrait se retrouver à brève échéance avec un dette impossible a honorer, car aucune valeur n’aura réellement été créée par le secteur industriel, du fait d’un manque de ressources financières adéquates.