Congo : des doutes après des condamnations dans une affaire de trafic d’êtres humains

Six ressortissants béninois accusés de trafic d’êtres humains ont été condamnés par la cour criminelle de Brazzaville. Un verdict qui semble précipité selon les accusés.

Ces peines vont de 03 à 10 ans de prison ferme pour avoir organisé et entretenu la traite des enfants sur le territoire congolais. Cette condamnation est contestée par les accusés qui estiment que le juge a subi des pressions extérieures, notamment des Américains.

« Les preuves de l’infraction n’ont pas été rapportées. Nous souhaitons que la justice congolaise puisse croître positivement, pas parce qu’il y a une pression américaine que nous sommes obligés de rendre des décisions pour faire plaisir », a déploré Me Kikoro, avocat de la défense.

Il faut noter que dans un tweet publié juste à la fin du procès, l’ambassade des Etats-Unis à Brazzaville avait en effet félicité le juge congolais chargé du dossier pour avoir organisé ce procès et condamné fermement les promoteurs du trafic des êtres humains dans le pays.

L’année dernière, des agents du FBI – la police fédérale américaine – ont formé à Brazzaville une vingtaine de gendarmes et policiers congolais sur ce phénomène. Les Etats-Unis mettent la pression sur le gouvernement congolais pour que celui-ci soit effectivement engagé dans la lutte contre la traite des personnes.

L’enquête de moralité initiée par le juge pendant le procès a révélé que les six ressortissants du Bénin ne disposaient pas titre de séjour régulier. Par ailleurs, quelques enfants touchés par cette traite ont été présentés devant le tribunal. Ils ont tous moins de 18 ans.

Selon une source proche du ministère de la Justice, le chef de l’Etat congolais s’apprête à promulguer la loi contre la traite des êtres humains. Cet instrument juridique est vivement attendu par les acteurs de la société civile.

Dans le procès qui s’est déroulé à la cour criminelle de Brazzaville, la direction générale des Affaires sociales s’était constituée partie civile. Le directeur général Christian Mabiala a encouragé le juge à accompagner son administration dans la traque des trafiquants.

« Ces condamnations ont été prononcées pour faire en sorte que le Congo ne soit plus un pays qui peut héberger ces trafiquants », a réagi Mabiala qui reconnaît par ailleurs que ce trafic se développe dans certaines villes du Congo comme Pointe-Noire, la capitale économique.

Dans la ville pétrolière, les ONG mettent des bouchons doubles, mais la répression ne suit pas. Le coordonnateur de la Commission diocésaine Justice et Paix, Brice Mackosso, appelle les autorités à organiser une traque plus élargie avec d’autres pays concernés par le phénomène.

« Il y a quelques avancées qui sont encore timides. Mais, il faut encore redoubler d’efforts. Il faudrait que les ministères concernés travaillent ensemble pour voir dans quelle mesure stopper ce phénomène depuis les pays d’origine », a-t-il suggéré.

Affaire Okombi Salissa : le détenu évoque un complot

Cet opposant congolais a été arrêté il y a deux ans pour détention illégale des armes et munitions de guerre.

Devant la cour criminelle mercredi 27 février où il est jugé, Okombi Salissa n’a pas souhaité répondre aux questions même les plus simples par oui ou non. Il a longuement expliqué et argumenté poussant le président de la cour à l’interrompre de temps en temps, notamment quand il a affirmé : « si je n’avais pas pris part à l’élection présidentielle, je ne serais pas ici. ». Pour ce candidat malheureux à la présidentielle de 2016, c’est un complot monté par un système auquel il a appartenu, lui qui a été ministre de façon ininterrompue entre 1997 et 2012.

L’ancien ministre passé à l’opposition continue de nier avoir possédé des armes et des munitions, présentées par un avocat de la partie civile comme « un véritable arsenal de guerre ».

Alors la cour criminelle, ces armes ont été saisies au terme d’une perquisition menée en 2016 au domicile de l’épouse d’André Okombi Salissa mais habitée par un défunt frère de ce dernier.

« L’expertise de l’armée a démontré que ces armes lui appartiennent. Donc elles ne peuvent pas à la fois appartenir à l’armée et à moi. Je fais partie du système et je sais comment on fait porter les armes aux gens pour les condamner ensuite », a affirmé l’accusé Okombi Salissa.

La cour a donné mission au parquet général de trouver un expert armurier à l’audience de ce jeudi 28 février, pour déterminer la qualité de ces armes présentées sous scellés et à quoi elles pouvaient servir.

André Okombi Salissa est jugé depuis mi-janvier principalement pour atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat.

Le général Dabira condamné à 5 ans de prison ferme

L’ex-inspecteur des armées et de la gendarmerie était jugé pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat.

La sentence est tombée, le Général Norbert Dabira a été condamné à 5 ans de prison fermer samedi 19 mai 2018, par la cour criminelle de Brazzaville. Il a également été déchu de ses droits civiques et doit verser à l’État congolais un franc symbolique à titre de dommages et intérêts. Le condamné rejette le chef d’inculpation d’atteinte à la sûreté de l’État.

Maître Jean Philippe Esseau, l’un de ses avocats, a évoqué une satisfaction partielle. « Nous sommes satisfaits partiellement parce que l’infraction de complot a été écartée. On a retenu malheureusement la proposition atteinte à la sureté intérieure de l’Etat. Nous avons pourtant démontré que cette infraction n’était pas constituée parce qu’il n’y avait pas de preuves », a-t-il déclaré.

Pour maître Emmanuel Oko, avocat de l’État congolais, la partie civile ne peut que se plier à la décision de la Cour.