Continuité contre révolution: Sanders et Biden, septuagénaires très différents

Ils sont septuagénaires, veulent battre Donald Trump et sont des vétérans de la politique avec plusieurs décennies au Congrès au compteur. Là s’arrêtent les ressemblances entre Joe Biden, chef de file des démocrates modérés, et Bernie Sanders, qui prône une « révolution » politique.

Au lendemain du « Super Tuesday », avec le retour fracassant de l’ancien vice-président de Barack Obama dans la course à l’investiture démocrate, c’est bien un duel entre ces deux hommes aux positionnements très éloignés qui se dessine.

– Deux hommes, deux styles –

Sourire éclatant, chevelure soigneusement peignée, Joe Biden est un homme politique à l’ancienne, démonstratif et volontiers tactile. Accolades, poignées de main appuyées, voire baiser sur la tête d’une ancienne élue, ses marques d’affection lui ont valu d’être au centre d’une polémique qu’il a désamorcée en arguant de sa bonne foi et des « normes sociales » changeantes.

L’ancien sénateur du Delaware de 77 ans a un capital sympathie certain, dû en grande partie au fait qu’il n’hésite pas à montrer émotions et empathie. Même ses gaffes, nombreuses, contribuent à l’humaniser.

Sa vie privée a été marquée par la tragédie. Et les deuils qu’il a connus – la mort de sa femme et de leur petite fille dans un accident de voiture en 1972, le décès de son fils Beau d’un cancer en 2015 – sont bien connus des Américains.

Plus austère, Bernie Sanders, 78 ans, avec ses cheveux blancs rebelles, a un style plus rugueux.

Réputé bougon et peu sociable, bien qu’il se déride en meeting et soit chaleureux avec ses partisans, il est passionné jusqu’à être perçu comme colérique.

Connu – et caricaturé – pour la manière dont il agite les bras ou pointe du doigt en parlant, le sénateur du Vermont est farouchement indépendant. Contrairement à son rival, pilier de l’establishment démocrate, il n’a jamais été encarté au parti.

Son ardeur à défendre des idées résolument à gauche a clairement apporté un nouveau souffle aux démocrates et suscite l’enthousiasme chez ses partisans, mais fait grincer des dents chez ses détracteurs qui l’accusent d’être aussi polarisant que Donald Trump.

Pour les deux septuagénaires, la question de la santé s’est en revanche posée. Bernie Sanders a subi un infarctus en octobre, et Joe Biden a régulièrement des difficultés d’élocution qui sèment le doute sur sa forme.

– Continuité contre révolution –

Avec ses positions centristes, Joe Biden se place dans la continuité. Pour de nombreux Américains nostalgiques de l’époque plus apaisée de l’avant-Trump, « Oncle Joe » est rassurant et incarne une certaine normalité.

« Les gens ne veulent pas d’une révolution, ils veulent des résultats », martèle-t-il en référence aux mesures radicales proposées par Bernie Sanders.

Qui rétorque qu' »on ne peut pas battre Trump avec toujours les mêmes vieilles recettes ».

Bernie Sanders est un socialiste autoproclamé – terme toujours choquant pour certains aux Etats-Unis, pour qui il a des relents de Guerre froide – et dit vouloir révolutionner l’Amérique.

– Vote noir, vote latino –

Les différences entre les deux hommes sont aussi évidentes dans leur base.

Le come-back de Joe Biden lors du « Super Tuesday » est ainsi en grande partie dû à sa popularité chez l’électorat noir.

Il a aussi été davantage choisi par les femmes, les personnes plus âgées et les personnes diplômées.

Quant à Bernie Sanders, il a pu compter, notamment en Californie, sur les Hispaniques, et a aussi attiré les jeunes et les électeurs indépendants.

Mais le vote latino, comme les autres, est loin d’être homogène, et des déclarations de M. Sanders vantant certains aspects de la révolution cubaine ainsi que d’anciens voyages dans des pays communistes, revenus hanter sa campagne, pourraient lui nuire notamment en Floride. Cet Etat clé de l’élection présidentielle américaine accueille une importante communauté de réfugiés cubains.

– Politiques –

« Bernie » croit fermement à une entière refonte d’un système de santé américain « cruel » et plaide pour une assurance maladie universelle et gratuite.

Il promet aussi d’effacer la totalité de la dette étudiante, ce qui a été applaudi par ses soutiens mais a suscité des interrogations sur le financement de cette mesure.

Joe Biden, lui, veut se présenter comme un politicien plus souple et se targue de pouvoir travailler avec les républicains. Ce qui lui a été reproché par ceux qui jugent qu’il a été trop complaisant avec eux.

Sur la dette étudiante, il va moins loin que son rival, proposant de renforcer les voies permettant aux étudiants d’alléger, ou d’annuler, leurs dettes. Il défend farouchement la réforme de la santé passée sous le mandat de Barack Obama.

M. Sanders est allé à l’offensive mercredi, en affirmant que « Joe allait devoir s’expliquer » sur son programme et son passif, évoquant notamment son vote en faveur de la guerre en Irak. « Bernie », également sénateur à l’époque, avait voté contre.

Mali: le Premier ministre en visite hautement symbolique dans le fief touareg de Kidal

Le Premier ministre malien Boubou Cissé a entamé mercredi une visite hautement symbolique à Kidal (nord), fief touareg, un nouveau geste censé manifester le rétablissement de la souveraineté de l’Etat sur le territoire, ont constaté des correspondants de l’AFP.

Cette visite intervient trois semaines après le retour de l’armée dans la ville contrôlée par d’ex-rebelles touareg.

Dans un contexte de grave détérioration sécuritaire au Mali et au Sahel, le retour de l’armée le 13 février et la visite du Premier ministre mercredi se veulent autant d’affirmations d’une restauration de l’autorité de l’Etat malien, qui ne s’exerce plus sur de larges étendues du pays.

Avant ces dernières semaines, l’Etat malien n’avait quasiment pas repris pied à Kidal depuis mai 2014. Les forces maliennes avaient été chassées de Kidal quand une visite du Premier ministre de l’époque, Moussa Mara, avait donné lieu à des affrontements avec les rebelles touareg, qui avaient causé de lourdes pertes dans les rangs de l’armée.

Kidal est depuis contrôlée par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), alliance à dominante touareg d’anciens groupes armés rebelles. La CMA est signataire de l’accord de paix d’Alger de 2015 avec une alliance de groupes armés progouvernementaux appelée la Plateforme.

Le chef du gouvernement a été accueilli à son arrivée par des représentants de l’ex-rébellion, de l’Etat dans la région et de la mission de paix de l’ONU (Minusma), autre actrice de la crise malienne, ont constaté les correspondants de l’AFP. Il a prévu de passer deux nuits à Kidal au cours d’un déplacement qui doit s’achever vendredi dans le nord du pays.

Il doit rencontrer les unités de l’armée récemment revenue à Kidal. Ces unités sont supposées donner l’exemple de la réconciliation puisqu’elles comprennent d’anciens rebelles intégrés dans l’armée malienne conformément à l’accord de paix d’Alger.

La mise en oeuvre de cet accord ainsi que le redressement de l’autorité de l’Etat sont considérés comme des composantes politiques indispensables à une sortie de crise, en plus de l’action purement militaire menée par les forces maliennes, françaises, africaines et onusiennes.

Kidal, à 1.500 km au nord-est de Bamako, est le bastion culturel touareg et le berceau historique des clans les plus influents. C’est aussi une région qui a été marginalisée depuis l’indépendance malienne et où sont nées les différentes rebellions touareg.

Le Mali est confronté depuis 2012 aux insurrections indépendantistes, salafistes et jihadistes et aux violences intercommunautaires qui ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés. Parties du nord du pays, les violences se sont propagées au centre et aux pays voisins, le Burkina Faso et le Niger.

L’accord d’Alger tarde à être appliqué et de vastes étendues du nord demeurent sous le contrôle des ex-rebelles indépendantistes.

Les forces maliennes et des pays voisins sont par ailleurs en butte à des attaques jihadistes qui ont fait des centaines de morts dans leurs rangs ces derniers mois. Les jihadistes exploitent ou fomentent les violences intercommunautaires.

Alger et Madrid se disent « en accord à 100% » sur leur frontière maritime

L’Algérie et l’Espagne ont déclaré mercredi n’avoir aucun désaccord sur le tracé de la frontière maritime entre les deux pays en Méditerranée, à l’occasion d’une visite de la cheffe de la diplomatie espagnole à Alger.

Cette visite survient alors que l’Algérie a décidé unilatéralement en avril 2018 d’étendre ses eaux territoriales jusqu’à proximité de l’archipel espagnol des Baléares.

La ministre espagnole, Arancha Gonzalez Laya, a rencontré son homologue algérien, Sabri Boukadoum, avant de s’entretenir avec le président Abdelmadjid Tebboune.

« Je voudrai être très claire au sujet des frontières maritimes sur lesquelles l’Algérie et l’Espagne sont d’accord à 100%. Nous n’avons pas de problème à fixer les frontières maritimes », a affirmé Mme Gonzalez Laya lors d’une conférence de presse conjointe avec son collègue algérien.

« Les deux pays ont le droit de fixer leurs frontières maritimes, selon les règles des Nations unies. (…) Quand il y a un chevauchement des zones maritimes, il faut une négociation pour arriver à un accord », a-t-elle expliqué en rejetant tout « unilatéralisme ».

M. Boukadoum a abondé. « Nous n’avons pas de problème de délimitation des frontières maritimes entre l’Espagne et l’Algérie », a-t-il assuré de son côté, affichant lui aussi sa « volonté de négocier dans le futur pour tout chevauchement des espaces maritimes ».

Il a démenti que le nouveau tracé des eaux territoriales algériennes en Méditerranée engloble l’île de de Cabrera, comme l’avait rapporté le quotidien espagnol El Pais.

« L’Algérie ne veut aucune région, ni Cabrera, ni Ibiza. Elle veut uniquement le dialogue et le partenariat avec l’Espagne », a insisté le chef de la diplomatie algérienne.

Cette première visite à Alger de la nouvelle ministre espagnole des Affaires étrangères a été reportée à deux reprises depuis le début de l’année par les autorités algériennes, selon la presse espagnole et algérienne.

L’Algérie fournit à l’Espagne près de la moitié de son gaz naturel.

La ministre espagnole a salué « une coopération utile et performante dans la migration, la lutte contre le terrorisme et une très bonne relation en matière énergétique » avec l’Algérie.

La question des frontières maritimes est également un sujet de désaccord entre l’Espagne et le Maroc, où Mme Gonzalez Laya s’est rendue fin janvier.

Si cette dernière a reconnu le « droit » du Maroc à délimiter ses frontières maritimes, elle a affirmé que cela devait se faire en accord avec les normes internationales alors que Rabat a adopté deux lois délimitant son espace maritime, auquel ont été intégrés les eaux du Sahara occidental, une mesure controversée.

Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental a été le théâtre d’un conflit jusqu’en 1991 entre le Maroc, qui a annexé le territoire en 1975, et le Front Polisario, qui, soutenu par l’Algérie, réclame l’indépendance de cette étendue désertique de 266.000 km2 dans une région riche en phosphates et bordée d’eaux poissonneuses.

Coronavirus: le droit de retrait, un droit et des situations « au cas par cas »

Face à la crise du coronavirus, le droit de retrait n’est pas automatique et, comme dans toute situation concernant la santé des salariés, l’employeur est tenu de la protéger.

Loi et réalité ne font cependant pas toujours bon ménage et chaque situation devrait être examinée au cas par cas, estiment des spécialistes de la question.

Pour la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, interrogée mercredi, « la situation sanitaire ne justifie pas un droit de retrait ».

Employés du Louvre, chauffeurs de bus, salariés habitant l’Oise, l’un des principaux foyers, l’ont pourtant déjà testé et pourraient faire des émules.

La législation l’encadre strictement: tout salarié peut se retirer d’une situation de travail s’il estime qu’elle présente « un danger grave et imminent » pour sa santé. L’employeur, tenu de respecter les directives gouvernementales sanitaires, ne peut l’en empêcher. Et il a une obligation de résultat concernant la prévention. En cas de contentieux, c’est un juge qui tranche, explique à l’AFP Jean-Paul Teissonière, avocat spécialisé dans les questions de santé au travail.

« Mais comment mesurer l’imminence du danger? », s’interroge-t-il. « Certains métiers sont plus exposés que d’autres. Il faut apprécier chaque situation et évaluer le risque au cas par cas. Toutes les entreprises ne sont pas exposées à l’identique, tous les métiers non plus, ceux en contact avec le public le sont plus », détaille-t-il.

« Nous conseillons la prudence avant d’exercer ce droit de retrait qui n’intervient que si l’employeur ne respecte pas les préconisations », dit à l’AFP Philippe Portier, spécialiste de ces questions à la CFDT. Si l’exercice de ce droit « est jugé abusif, cela peut avoir des conséquences graves pour le salarié, de la sanction au licenciement », dit-il.

« En pratique, salariés et employeurs s’entendent souvent sur une solution mais il y a des zones grises », concède ce syndicaliste.

« Tout salarié est en droit de cesser son activité après en avoir averti son employeur, s’il estime que les mesures sont insuffisantes pour protéger sa santé, ce qui suscite de l’anxiété, elle aussi nocive à sa santé », rappelle néanmoins Jérôme Vivenza, responsable de ces questions à la CGT.

Droit d’alerte

« Même en pleine forme, on peut considérer que les mesures prises sont insuffisantes au vu de l’exposition, notamment en cas de contact avec le public », assure Marc Benoit, secrétaire général CGT à l’INRS (santé et sécurité au travail), citant le cas d’un chauffeur routier qui serait obligé d’assurer une livraison, sans protection particulière, dans le département de l’Oise.

A la SNCF, indique Anne Guezennec, responsable à la CFDT Cheminots, les élus du personnel « ont d’abord exercé leur droit d’alerte » pour « réclamer des mesures de protection supplémentaires pour certains métiers », comme ceux en contact avec la clientèle. C’est, précise-t-elle, « l’inspection du travail qui tranchera ».

Une cellule de crise nationale a également été mise en place dans l’entreprise ferroviaire et des réunions régulières pour traiter les demandes. « Dans certains endroits on réfléchit à la désinfection totale des trains dans les centres de maintenance », ajoute-t-elle.

Le Louvre, fermé depuis dimanche en raison du droit de retrait invoqué par son personnel, a rouvert ses portes mercredi. Des réunions avec les syndicats ont abouti à la mise en place de mesures de protection du personnel, comme la distribution de solutions hydroalcooliques et l’autorisation de mener des contrôles plus distants.

Des chauffeurs de bus des réseaux franciliens Transdev et Keolis ont eux aussi exercé leur droit de retrait, notamment dans l’Essonne, tandis que le syndicat Unsa a averti que les salariés de la RATP pourraient exercer ce droit si l’opérateur ne prenait pas de mesures de protection supplémentaires, comme des gants, des masques pour les conducteurs et des lingettes désinfectantes. Chez Air France, masques, gants et gels hydroalcooliques ont été distribués aux personnels comme dans nombre d’entreprises.

Interrogé sur le sujet, une médecin du travail dans un grand groupe de presse a rappelé qu’en cas de passage au stade 3 de l’épidémie, les salariés les plus fragiles (maladies chroniques, déficience immunitaire… ) pourraient se voir proposer du télétravail. Plus généralement, elle déplore « une inquiétude excessive sur le risque infectieux qui a tendance à minimiser tous les autres risques pour la santé (environnementaux, chimiques…) ».

Libye: Paris regrette la démission de l’émissaire de l’ONU Ghassam Salamé

La France a regretté mercredi la démission de l’émissaire de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé, et réitéré son appel à un « cessez-le-feu durable » dans ce pays déchiré par le conflit entre les autorités de Tripoli et l’homme fort de l’Est libyen, le maréchal Khalifa Haftar.

« La France a appris avec regret l’annonce de la démission du représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour la Libye », a déclaré un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, saluant « la compétence et la conviction » avec lesquelles M. Salamé a conduit sa mission depuis juin 2017.

Ghassan Salamé a démissionné lundi pour des « raisons de santé », au moment où le processus politique dans ce pays, en proie à la guerre civile, est plus que jamais dans l’impasse.

Depuis 2017, Ghassan Salamé a tenté en vain de convaincre les belligérants libyens d’unifier les institutions de l’Etat et d’organiser des élections en vue de mettre fin aux divisions dans le pays.

« Nous saluons ses efforts en faveur d’un cessez-le-feu et du lancement d’un dialogue politique interlibyen sous l’égide des Nations unies », a relevé le porte-parole du Quai d’Orsay.

« La France souhaite que cette dynamique se poursuive et appelle l’ensemble des acteurs à s’engager en faveur d’un cessez-le-feu durable, d’un meilleur contrôle des ressources et d’un dialogue politique représentatif et inclusif », a-t-il ajouté.

« La France réitère son plein soutien aux efforts en ce sens du secrétaire général des Nations unies, a-t-il assuré.

Depuis 2015, deux autorités rivales se disputent le pouvoir en Libye: le Gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU et basé à Tripoli, et un pouvoir incarné par le maréchal Khalifa Haftar dans l’Est.

Ghassan Salamé a régulièrement dénoncé les ingérences étrangères en Libye qui se poursuivent, malgré les engagements pris à la conférence internationale de Berlin en janvier, compliquent le conflit dans le pays et rendent difficile toute solution politique.

Le GNA est soutenu par la Turquie et le Qatar, le maréchal Haftar par les Emirats arabes unis, la Russie, l’Egypte et l’Arabie saoudite. La France est aussi soupçonnée de soutenir en coulisses l’homme fort de l’Est libyen, ce qu’elle dément.

Nigeria: 14 morts dans l’attaque jihadiste d’une base militaire dans le nord-est

Des jihadistes présumés ont attaqué mercredi une base militaire dans l’Etat du Borno, dans le nord-est du Nigeria, tuant 14 personnes, selon un nouveau bilan communiqué par des sources sécuritaires.

Les insurgés sont arrivés à l’aube à bord de camions militarisés et ont mené un raid sur la base de la ville de Damboa, à la frontière avec la forêt de Sambisa, repaire des combattants fidèles à la faction de Boko Haram dirigée par Abubakar Shekau.

Dans la matinée, un officier militaire et un milicien avaient d’abord fait état de six morts.

« Nous avons perdu quatre policiers et deux miliciens », -combattant aux côtés de l’armée nigériane dans la lutte contre les jihadistes-, avait déclaré sous couvert de l’anonymat l’officier.

Il a ensuite déclaré à l’AFP que le bilan s’était alourdi avec six soldats tués: « Nous avons également perdu six soldats dans l’attaque tandis que six autres ont été blessés ».

« Un avion de chasse a été déployé alors que les terroristes fuyaient et a frappé deux de leurs véhicules, tuant 13 d’entre eux », a-t-il ajouté.

Le chef des milices civiles, Ibrahim Liman, a fait état d’une cinquantaine d’habitants blessés par les tirs, dont deux sont ensuite décédés de leurs blessures.

« Deux civils initialement blessés par des éclats sont morts », a précisé M. Liman.

Selon un habitant de Damboa, Modu Malari, l’armée a repoussé les insurgés de la ville après deux heures de combat au cours desquelles les jihadistes ont utilisé des armes lourdes et des roquettes.

Le conflit entre les forces armées nigérianes et Boko Haram a fait quelque 35.000 morts depuis 2009 et près de deux millions de personnes ne peuvent toujours pas regagner leurs foyers, selon l’ONU. Il s’est étendu au Niger, au Tchad et au Cameroun voisins.

Coronavirus: alerte aux fake news, trois arrestations au Maroc

Les autorités marocaines ont lancé mercredi un appel à la vigilance face à la multiplication des « fake news » concernant l’épidémie de nouveau coronavirus, avec au moins trois arrestations de mauvais plaisantins ces derniers jours.

« Certains comptes sur des réseaux sociaux et des applications de messagerie instantanée (…) procèdent à la publication d’informations mensongères et erronées attribuées à des institutions officielles » pour annoncer des mesures sanitaires préventives, selon un communiqué publié mercredi par le ministère marocain de l’Intérieur.

Mardi, le ministère marocain de l’Education a dénoncé avec vigueur « une photo truquée » circulant sur les réseaux sociaux pour annoncer la fermeture de toutes les écoles du pays à partir de mercredi.

Le même jour, le quotidien l »Economiste » a démenti une « fausse information » circulant avec son logo officiel sur les réseaux sociaux concernant un « nouveau foyer » dans une banlieue de Casablanca.

« Toutes les dispositions légales seront prises (…) en vue d’identifier les personnes impliquées dans la publication de ces allégations et mensonges », prévient le communiqué de l’Intérieur.

Deux personnes qui tournaient des vidéos canulars dans la rue en annonçant à des passants avoir été contaminés à l’étranger « pour voir leurs réactions » ont ainsi été arrêtées à Marrakech (centre), selon un message publié mardi sur le compte twitter de la sûreté nationale (DGSN).

La DGSN avait déjà annoncé la semaine dernière l’interpellation d’un habitant de Tetouan (nord) qui avait annoncé dans une vidéo « enregistrer des morts liés au virus ».

Le royaume a fait état lundi d’un premier cas confirmé de contamination au Covid-19 concernant un Marocain en provenance d’Italie, placé en isolement dans un hôpital de Casablanca.

Depuis, plusieurs manifestations publiques comme le salon annuel de l’agriculture ou un Grand prix de judo, ont été annulées par précaution.

Les rumeurs les plus folles et conseils préventifs les plus insolites ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux marocains après l’annonce d’un premier cas déclaré en Algérie voisine, le 25 février dernier.

Coronavirus: l’Egypte interdit l’entrée des citoyens qataris

Le Caire a décidé mercredi d’interdire l’accès au territoire égyptien aux ressortissants du Qatar, qui a pris des mesures similaires dimanche, dans le cadre de la lutte contre la propagation du Covid-19.

Depuis dimanche dernier, Doha impose « une restriction d’entrée temporaire » à toutes les personnes provenant d’Egypte, y compris les Egyptiens résidents sur le sol qatari, en raison du virus.

Doha avait pris cette décision à la suite de l’annonce par la France en fin de semaine dernière de six nouveaux cas de Covid-19 ayant affecté des personnes qui avaient voyagé en Egypte.

En réponse, l’Egypte a décidé « d’appliquer le principe de réciprocité et d’interdire l’entrée (en Egypte) aux citoyens qataris », à partir du 6 mars, a indiqué Nader Saad, le porte-parole du conseil égyptien des ministres, réuni mercredi.

Depuis le début de l’épidémie, l’Egypte, pays de 100 millions d’habitants, a enregistré deux cas de Covid-19, dont un a été déclaré guéri le 27 février, contre huit dans l’émirat du Qatar.

Toutefois, de nombreuses rumeurs circulent au sujet de l’apparition de nouveaux cas non-déclarés de l’épidémie de Covid-19 en Egypte, dont Le Caire se défend.

A ce sujet, le Premier ministre, Mohamed Madbouli, a réaffirmé mercredi que le gouvernement égyptien « n’avait rien à cacher » et « aucun intérêt à retenir des informations » sur l’épidémie de nouveau coronavirus.

Les relations entre Le Caire et Doha sont difficiles depuis la destitution en 2013 du président Mohamed Morsi, issu de la confrérie des Frères musulmans et l’arrivée au pouvoir d’Abdel Fattah el-Sissi, général égyptien devenu président l’année suivante.

En juin 2017, Le Caire s’est associé à trois pays du Golfe (Arabie saoudite, Emirats et Bahreïn) pour geler ses relations diplomatiques avec le Qatar, accusé de soutenir les mouvements islamistes.

Depuis, Doha, qui nie les accusations, est soumis à un strict boycott économique et il n’y a plus de liaisons directes avec l’Egypte.

Selon les statistiques officielles, la diaspora égyptienne au Qatar compte environ 300.000 âmes, soit plus de 10% de la population totale (2,75 millions), même si le flux s’est ralenti avec l’embargo. Il s’agit généralement de personnel qualifié travaillant dans le secteur énergétique, l’enseignement ou la santé.

Coronavirus: l’Italie envisage de fermer toutes ses écoles et universités

Le gouvernement italien doit adopter mercredi un nouveau train de mesures pour contrer l’épidémie de coronavirus, parmi lesquelles la probable fermeture de toutes les écoles et universités ainsi que la tenue des matches de foot à huis clos.

Une décision sur les écoles sera prise « dans les prochaines heures », a annoncé en début d’après-midi la ministre de l’Education, Lucia Azzolina, peu après que plusieurs agences italiennes ont annoncé que la décision avait déjà été prise.

« Aucune décision sur la fermeture des écoles n’a été prise, nous avons demandé un avis plus approfondi au comité technico-scientifique, la décision sera prise dans les prochaines heures », a rectifié devant la presse la ministre, sortie momentanément d’une réunion du gouvernement pour apporter ces précisions.

Le conseil des ministres est entièrement dédié à la crise du coronavirus, alors que l’Italie est le troisième pays le plus touché au monde après la Chine et la Corée du Sud: 79 personnes contaminées sont mortes dans le pays, qui compte au total 2.502 cas, selon le dernier décompte publié mardi.

Selon le quotidien Il Corriere della Sera, la décision de fermer écoles et universités à partir de jeudi et jusqu’à mi-mars « a déjà été prise, mais ne sera annoncée qu’après le dernier feu vert du comité scientifique ».

Si la Lombardie (la région de Milan), l’Emilie-Romagne et la Vénétie (autour de Venise) sont les trois régions les plus touchées, la quasi-totalité des 21 régions italiennes ont recensé des cas de contagion, excepté pour le moment le Val D’Aoste, frontalier de la France.

– Tout le territoire –

Ces mesures, réunies dans un décret et valables pour un mois, devraient concerner tout le territoire national, et non plus une zone limitée dans le Nord du pays, où sont concentrés l’essentiel des cas.

Selon les médias, le projet de décret recommande de respecter une distance de sécurité d’au moins un mètre entre les personnes, d’éviter poignées de mains et bises, et de jouer les matches de foot à huis clos.

Les supporteurs n’auront pas non plus accès aux entraînements des équipes. Les mesures affectant le football, adoptées pour un mois, pourront être révisées au bout de deux semaines.

Le décret prévoit aussi d’éviter au maximum rassemblements et foules. C’est pourquoi tous les salons, conférences et congrès devraient être reportés, en particulier dans le secteur de la santé, de manière à libérer au maximum le personnel sanitaire.

Il sera aussi conseillé à toutes les personnes âgées de plus de 75 ans de rester chez elles et de ne pas fréquenter de lieux publics. Ce conseil est étendu aux personnes de plus de 65 ans présentant des pathologies susceptibles de s’aggraver au contact du coronavirus.

L’essentiel des morts italiens étaient des personnes âgées – en moyenne des octogénaires et nonagénaires – ou atteintes de pathologies antérieures.

Outre la distance de sécurité à respecter entre les personnes, il sera recommandé d' »éternuer et tousser dans un mouchoir en évitant le contact des mains avec les sécrétions respiratoires » et d' »éviter les échanges de bouteilles et verres, en particulier durant les activités sportives ».

Selon la ministre de l’Education, le conseil des ministres a également « discuté de mesures économiques ».

L’économie italienne, déjà anémique, est affectée par l’épidémie, en particulier le secteur du tourisme qui représente 13% du PIB. L’association professionnelle Confturismo-Confcommercio (tourisme et commerce) prévoit ainsi 31,6 millions de touristes en moins pour la période allant du 1er mars au 31 mai, soit une perte de 7,4 milliards d’euros.

Après la victoire de Netanyahu, la crainte de « l’annexion » en Cisjordanie

« S’ils annexent, il ne nous restera rien sinon ce petit bout de terre », lance le vieux Majed Abou Al-Hajj, en pointant du doigt son jardin. Dans la vallée du Jourdain, en territoire palestinien, la victoire électorale de Benjamin Netanyahu rime avec crainte d’annexion.

Ces dernières semaines, M. Netanyahu, le Premier ministre israélien sortant, a promis l’annexion rapide de pans de la Cisjordanie occupée dont la vallée du Jourdain, s’il était reconduit à son poste après les législatives de lundi.

Dans le village palestinien d’Aïn al-Bayda, dans le nord de la vallée, la victoire de M. Netanyahu laisse un goût amer à de nombreux habitants qui craignent de voir le train de l’annexion se mettre véritablement en marche dans les prochains mois.

« Bien entendu que nous avons peur qu’ils annexent ces territoires », peste Majed Abou Al-Hajj, 85 ans. « Tout est possible. »

Les 1.600 habitants de ce hameau baigné de soleil vivent principalement de l’agriculture et une partie de leurs terres sont déjà entre les mains de colons juifs ou d’entreprises israéliennes.

Netanyahu passera-t-il le pas de l’annexion? Ses promesses de campagne n’étaient-elles que des promesses? Pour Majed Abou Al-Hajj et les siens, une seule certitude: « Nous ne contrôlons rien. »

– « Bain de sang » –

Malgré son inculpation pour corruption, M. Netanyahu a enregistré, selon les estimations, le meilleur score de sa carrière, ce qui le place en position de force pour former le prochain gouvernement avec ses alliés de droite favorables à l’annexion d’une partie de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967.

Une vision à laquelle souscrit son allié le président américain Donald Trump dont le plan pour le Moyen-Orient prévoit de greffer à Israël la vallée du Jourdain, langue de terre qui compte pour près du tiers de la Cisjordanie, et plus de 130 colonies israéliennes en Territoires palestiniens.

Des dizaines de milliers de Palestiniens vivent dans la vallée du Jourdain. Dans les colonies israéliennes de Cisjordanie, illégales au regard du droit international, il y a plus de 450.000 Israéliens.

Dans le village d’Aïn al-Bayda, Abdel Rahmane Abdallah, 74 ans, affirme craindre de « payer le prix fort » en cas d’annexion de son village. Mais il se veut optimiste: « personnellement je ne crois qu’il (Netanyahu) procèdera à l’annexion ».

L’annexion de terres palestiniennes pourrait se traduire par « des violences et un bain de sang », affirme à l’AFP le secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saëb Erakat.

Pour pouvoir passer à l’acte, Benjamin Netanyahu doit auparavant être désigné par le président Reuven Rivlin pour former un gouvernement.

Pour Eugène Kontorovich du Forum Kohelet, un centre d’analyse marqué à droite, les résultats de l’élection donnent un mandat clair à M. Netanyahu pour aller de l’avant avec l’annexion.

– « La plus difficile » –

« L’écrasante majorité de ses soutiens sont favorables à l’application de la souveraineté israélienne sur les communautés israéliennes », dit-il en reprenant le vocabulaire d’une partie de la classe politique qui parle de « souveraineté israélienne » pour désigner l’annexion, et considère les colonies comme des « communautés » ou des « villages ».

« L’idée qu’il manquait d’un feu vert pour (l’annexion) a été balayée », ajoute M. Kontorovich, qui a d’ailleurs conseillé l’administration américaine pour l’élaboration de son projet pour le Proche-Orient, jugé « historique » par Israël mais fustigé par les Palestiniens.

D’après Hugh Lovatt, analyste au Conseil européen des relations internationales, l’annexion de la vallée du Jourdain serait perçue à l’étranger comme une forme « d’apartheid ». « Si Netanyahu peut former rapidement un gouvernement cela risque d’accélérer le processus, mais (l’annexion) est probablement prévue dans quelques mois. »

Pas de quoi réjouir ni Majed Abou al-Hajj, ni Hassan Abdel Hafez.

Ce dernier a vécu toutes les grandes étapes du conflit israélo-palestinien, dont les soulèvements palestiniens ou Intifadas (1987-1993, 2000-2005).

Dans le camp de réfugiés de Jalazone près de Ramallah, en Cisjordanie, il affirme, sans ambages: la période à venir « sera la plus difficile pour le peuple palestinien ».

Les urgences italiennes à l’heure du coronavirus

Devant les urgences de l’hôpital de Crémone, dans le nord de l’Italie, une grande tente bleue est dressée: c’est là que sont « triés » les patients, ceux potentiellement infectés par le nouveau coronavirus et les autres.

A l’intérieur, longues blouses bleues, masques filtrants FFP2 sur le nez, mains couvertes de gants en plastique et couvre-chefs sur la tête, deux membres du personnel accueillent les malades.

Arrivent ici a priori des patients présentant des symptômes respiratoires ou grippaux légers: mal de gorge, petite toux ou fièvre légère.

« Mais s’ils devaient présenter une fièvre plus élevée, au-dessus de 38 degrés, et des troubles respiratoires de dyspnée, difficultés à respirer, de tachypnée, fréquence respiratoire supérieure à 20 cycles par minute, alors ils sont emmenés immédiatement dans une zone +urgence+ des urgences » en suivant la ligne rouge au sol, explique à l’AFP Antonio Cuzzoli, médecin-chef des urgences de l’hôpital.

La ligne rouge est aussi celle qu’empruntent les ambulances arrivant avec des patients ayant appelé les secours et présentant des symptômes importants.

La crise sanitaire a commencé dans le nord de l’Italie le 21 février, et dès le 22 au matin, l’hôpital de Crémone avait installé cette tente avec la Protection civile.

Selon cet organisme étatique, entre 330 et 350 tentes ont été mises en place devant les hôpitaux de la péninsule.

– « Très fatigué » –

L’Italie est le troisième pays le plus touché au monde par l’épidémie, après la Chine et la Corée du Sud: 79 personnes contaminées sont mortes en Italie qui compte 2.502 cas, selon un décompte publié mardi.

Crémone est située en Lombardie, l’une des trois régions les plus touchées avec l’Emilie-Romagne et la Vénétie, toutes dans le Nord.

Dans la tente, « nous effectuons un relevé des paramètres: température corporelle, check-list pour savoir depuis quand le patient a des symptômes et ce qu’il présente exactement » comme problèmes, précise le Dr Cuzzoli, en soulignant que le patient doit dès son arrivée endosser un masque chirurgical pour empêcher la diffusion des germes.

« Cela fait maintenant 13 jours que nous sommes organisés (à l’intérieur des urgences) avec des zones de soins différenciées: une zone pour les patients Covid-19, et une zone pour les AVC, infarctus du myocarde, insuffisances respiratoires pas liées au Covid, et les traumatismes », précise-t-il.

La mobilisation du personnel est constante.

« Le personnel est très fatigué. Par ailleurs, un agent est en quarantaine parce qu’il a été testé positif et quelqu’un est aussi malade. Mais nous résistons, le système résiste, parce que le système italien et le système lombard est un système fort, un système qui met en réseau les hôpitaux, qui assure une garantie de réponse et qui tient malgré les difficultés », note le Dr Cuzzoli.

L’épidémie est d’une ampleur pourtant jamais vue.

– « Pilule amère » –

« En 42 ans de métier comme spécialiste des infections, il ne m’est jamais arrivé de devoir affronter quelque chose qui nous a contraints à revoir l’organisation des services médicaux, à occuper un nombre extrêmement élevé de lits en soins intensifs et à gérer, en situation d’urgence absolue, une problématique à la portée absolument inhabituelle », souligne de son côté le professeur Massimo Galli, responsable du département universitaire des maladies infectieuses de l’hôpital Sacco à Milan.

Une stricte quarantaine a été décidée il y a une dizaines de jours pour 11 villes du nord de l’Italie, où tous les lieux publics (églises, bars, bibliothèques, écoles, musées, mairies) sont fermés.

Par ailleurs, les écoles, églises et salles de sports ont également fermé leurs portes en Lombardie, Vénétie et Emilie-Romagne où plusieurs grands salons professionnels ont été reportés.

« La première phase de contention de la contagiosité a été affrontée de manière forte », note le Dr Cuzzoli.

Le professeur Galli reconnaît qu’il s’agit d’une « pilule amère à avaler » pour les populations concernées, mais « un choix obligé » car « il était important de chercher à limiter une diffusion ultérieure de l’infection ».

Mais les craintes d’une éventuelle crise hospitalière commencent à émerger.

« Si le nombre de patients augmente il est inévitable qu’on va vers une crise, c’est la préoccupation de toutes les régions », a reconnu mercredi le gouverneur de Vénétie Luca Zaia.

Coronavirus: le masque, objet de toutes les convoitises

Volés dans les hôpitaux, réclamés par les médecins, réquisitionnés par Emmanuel Macron: les masques de protection sont au centre de toutes les attentions au moment où l’épidémie provoquée par le nouveau coronavirus s’intensifie en France.

Au moins 8.300 masques ont été volés dans des établissements de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). A Marseille, on en a dérobé 2.000 à l’hôpital de la Conception.

Au niveau mondial, l’OMS a alerté sur le « rapide épuisement » des équipements de protection.

Pour éviter une pénurie en France, l’Etat réquisitionnera « tous les stocks et la production de masques de protection » pour les distribuer aux soignants et aux personnes atteintes du coronavirus, a annoncé mardi le président Emmanuel Macron.

Ces deux catégories sont concernées par le port du masque, et pas le grand public, martèlent les autorités depuis le début de la crise.

Pourtant, aux yeux du grand public, l’objet symbolise plus que tout autre cette crise sanitaire, à travers les images de presse ou les photos rigolardes sur internet, avec par exemple des soutiens-gorges utilisés comme masques.

Il existe deux types de masques. Les premiers, les masques chirurgicaux, sont ceux qu’un malade doit porter pour éviter de contaminer d’autres personnes.

Les autres, dits FFP2 (en forme de bec de canard), sont plus perfectionnés. Ils ont un système de filtrage et sont étanches quand on les place sur le visage, pour offrir un plus haut niveau de protection.

Devant les inquiétudes des médecins de ville (hors hôpital), le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé mardi qu’à ce stade 15 millions de masques chirurgicaux avaient été prélevés sur le stock de l’Etat à leur intention, ainsi que pour les Ehpad. Ils pourront les retirer dans les pharmacies. Quinze à vingt millions d’autres devraient suivre, également issus des quelque 145 millions en stock.

Mais ces derniers jours, des syndicats de médecins libéraux ont réclamé que des masques FFP2 soient fournis d’urgence à ces soignants. Ils font valoir que les masques chirurgicaux ne suffisent pas à protéger les médecins.

– La question des stocks –

Dans un décret publié mercredi au Journal officiel, l’Elysée précise que seront réquisitionnés jusqu’au 31 mai, les masques FFP2 détenus par « toute personne morale de droit public ou de droit privé » et les masques anti-projections en possession des entreprises qui les fabriquent ou les distribuent.

Devant l’Assemblée nationale mardi, M. Véran a souligné que la France disposait « de quatre grandes entreprises (…) qui fabriquent ces masques, auxquelles nous avons passé les commandes publiques les plus massives qui soient » et à qui il a été demandé de « fonctionner jour et nuit, H24, 7 jours sur 7, de manière à fournir le maximum de masques possible », a-t-il dit.

Précision importante: il a indiqué que l’Etat ne disposait pas de stocks de masques FFP2.

Une situation qui remonte selon lui à 2011: après l’épidémie de grippe A/H1N1 de 2009-2010, pour laquelle la réponse de l’Etat s’était révélée surdimensionnée, il avait été décidé que « la France n’avait pas à faire de stocks d’Etat de ces fameux masques FFP2 ».

« Ce qui n’a peut-être pas été anticipé en 2011, et c’est sans aucune polémique, c’est que parfois des crises sanitaires peuvent entraîner des crises industrielles », a avancé M. Véran.

En 2011, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le ministre en charge de la Santé était Xavier Bertrand.

Quant à l’efficacité des différents masques, le N.2 du ministère, Jérôme Salomon, a voulu « rassurer les professionnels de santé ».

« Il y a une équivalence stricte des masques chirurgicaux avec les masques FFP2 pour les virus transmis par voie gouttelettes » (c’est-à-dire par les postillons des malades comme c’est le cas du nouveau coronavirus), a-t-il assuré mardi soir, en conférence de presse.

Il s’est appuyé pour cela sur une étude publiée en septembre dans la revue médicale américaine Jama, qui comparait les protections offertes par les deux types de masques contre la grippe.

Le « masque chirurgical, surtout s’il est associé au port du masque par le malade, protège efficacement » les professionnels de santé, a-t-il ajouté.

Selon M. Salomon, les masques FFP2 sont avant tout préconisés pour « les personnels soignants qui pratiquent des soins très particuliers », c’est-à-dire ceux qui prennent les malades en charge de façon rapprochée à l’hôpital.

Epidémies en RDC: soins et vaccinations sur le front de la rougeole

Sur le point de surmonter une épidémie d’Ebola, la République démocratique du Congo s’active contre la « pire épidémie de rougeole » de son histoire qui touche l’ensemble de son territoire et qui marque le pas depuis le début de l’année, a constaté mercredi un journaliste de l’AFP.

« La RDC a enregistré l’épidémie la plus meurtrière de rougeole de son histoire, avec plus de 335.413 cas suspects et 6.362 décès du 1er janvier 2019 au 20 février 2020 », selon les dernières données de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

« On note une tendance à la diminution du nombre de cas de rougeole notifiés », ajoute l’OMS. Entre le 1er janvier et mi-février, « la RDC a enregistré un total de 20.475 cas suspects de rougeole incluant 252 décès (létalité: 1,2%) ».

L’OMS a annoncé qu’elle mobilisait avec ses partenaires « 4,2 millions de dollars américains pour renforcer la réponse à l’épidémie de rougeole en RDC ».

Un des objectifs est d' »accélérer la vaccination d’au moins 95% des enfants de 6 mois à 5 ans et plus, afin de contenir la propagation de la maladie ».

Près de 1.300 cas de rougeole ont, par exemple, été enregistrés dans l’aire de santé de Seke Banza, dans une zone reculée de la province du Kongo central (extrême Ouest), a constaté un journaliste de l’AFP qui est sur place depuis le début de la semaine.

« Il y a à peu près 100 malades qui ont dû être hospitalisés », lui a déclaré Médéric Monier, de Médecins sans frontière (MSF).

« Nos équipes sont en train de préparer la vaccination qui va être lancée dans les jours qui arrivent pour endiguer et arrêter l’épidémie. C’est la seule façon de traiter et de prévenir ces épidémies de rougeole », a-t-il ajouté.

La RDC a célébré mardi une rare bonne nouvelle, avec la sortie mardi de la dernière patiente hospitalisée dans un Centre de traitement d’Ebola (CTE) à Beni dans l’est de la RDC.

Aucun nouveau cas confirmé n’a été enregistré depuis 14 jours et l’épidémie sera officiellement terminée « dès qu’on aura atteint 42 jours sans aucun nouveau cas enregistré », précise un porte-parole de l’OMS à Kinshasa.

Déclarée le 1er août, la dixième épidémie d’Ebola sur le sol congolais a tué 2.264 personnes.

Aucun cas de coronavirus n’a été enregistré en RDC.

Primaires démocrates: à nouveau favori, Biden s’installe dans un long duel avec Sanders

L’ancien vice-président américain Joe Biden est redevenu le favori des primaires démocrates à l’issue d’un « Super Tuesday » plein de surprises qui a bouleversé la donne en l’installant dans un duel de longue haleine avec le socialiste Bernie Sanders.

« On ne l’appelle pas +Super Tuesday+ pour rien! », s’est exclamé mardi soir depuis Los Angeles, en Californie, un Joe Biden visiblement revigoré après avoir remporté au moins neuf des 14 Etats en jeu lors de cette journée électorale déterminante.

Promettant d’être celui qui affrontera Donald Trump lors de la présidentielle de novembre, il s’est présenté comme un futur président capable de se « battre », mais aussi de « panser les plaies » des Etats-Unis, meurtris selon lui par « la haine et la division » semées par le milliardaire républicain.

L’ex-bras droit de Barack Obama, 77 ans, a créé la surprise en décrochant la victoire au Texas et en écrasant la concurrence en Virginie et en Caroline du Nord — soit, pour la seule journée de mardi, trois des quatre Etats qui fournissent les plus gros contingents de délégués pour la convention démocrate qui décernera, en juillet, l’investiture dans la course à la Maison Blanche.

Il a aussi gagné dans l’Alabama, l’Oklahoma, le Tennessee, l’Arkansas, le Minnesota et le Massachusetts. Il réalise ainsi un grand chelem dans les Etats du sud du pays et confirme être le champion des Afro-Américains, un électorat-clé côté démocrate.

– « Confiance absolue » chez « Bernie » –

En face, Bernie Sanders, considéré comme le favori depuis son démarrage en fanfare dans ces primaires, ne s’avoue pas vaincu. Il semblait bien placé pour remporter le plus gros Etat du « super mardi », la Californie, avec une avance de neuf points après dépouillement de 80% des bureaux de vote.

Il a aussi engrangé son petit Etat du Vermont et celui de l’Utah.

Les deux candidats étaient toujours au coude-à-coude mercredi matin dans le Maine mercredi matin.

« Je vous le dis avec une confiance absolue: nous allons emporter la primaire démocrate et nous allons battre le président le plus dangereux de l’histoire de ce pays », a lancé mardi soir « Bernie » devant une foule enthousiaste de son fief du Vermont.

Joe Biden revient de loin.

Longtemps ultra favori, il avait encaissé de piteux résultats lors des premiers scrutins en février, handicapé par une campagne terne et des dons parcimonieux.

Mais le vote de samedi en Caroline du Sud lui a permis de faire mentir les pronostics, qui le vouaient à une mort politique quasi-certaine: en s’imposant très largement dans cet Etat du Sud grâce au vote afro-américain, il a enclenché une dynamique nouvelle.

Et il a bénéficié ces derniers jours du désistement en sa faveur de deux autres candidats modérés: le jeune Pete Buttigieg, révélation de ces primaires, et la sénatrice du Minnesota Amy Klobuchar, qui lui a vraisemblablement permis de remporter cet Etat du Midwest où il n’avait quasiment pas fait campagne.

– Deux autres mardis électoraux –

Longtemps éparpillé avec de multiples candidatures, le camp modéré est donc désormais uni derrière Joe Biden pour faire barrage à Bernie Sanders.

Ses idées très à gauche pour les Etats-Unis, comme une assurance-maladie publique universelle, se sont peu à peu imposées dans l’électorat démocrate, mais la « révolution » prônée par le sénateur de 78 ans inquiète toujours une partie de l’establishment du parti.

Comme en 2016 face à Hillary Clinton, la chasse aux délégués pourrait donc durer.

Après mardi, selon les médias américains, Joe Biden, bien qu’en tête, ne dispose que d’environ 380 délégués, contre 315 à Bernie Sanders.

Or, il en faut 1.991 pour s’assurer l’investiture: le chemin est encore long. Il passera dès mardi prochain par six nouveaux Etats (Washington, Idaho, Michigan, Missouri, Mississippi et Dakota du Nord), puis, le 17 mars, par la Floride, l’Arizona, l’Ohio et l’Illinois.

Rien ne dit qu’un candidat aura une majorité absolue après ces scrutins, mais Joe Biden est désormais en position de force.

D’autant que l’autre candidat qui espérait porter les couleurs centristes est le grand perdant du « Super Tuesday ». Le milliardaire Michael Bloomberg, qui s’est lancé très tard dans la course mais avait investi sans compter son immense fortune personnelle pour percer.

Il n’a réalisé mardi que des résultats médiocres et devrait sortir de cette journée décisive avec très peu de délégués.

Selon plusieurs médias américains, il devait « réévaluer » mercredi l’avenir de sa campagne.

L’autre revers cruel est celui essuyé par la sénatrice progressiste Elizabeth Warren, qui a passé une très mauvaise soirée, perdant même dans son fief du Massachusetts.

Si elle n’a pas encore annoncé son retrait, son rêve de devenir la première présidente des Etats-Unis semble s’être définitivement envolé.

Migrants: Erdogan pose ses conditions à l’Europe, heurts frontaliers

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé mercredi qu’une résolution de la crise migratoire passait par un soutien européen à Ankara en Syrie, au moment où de nouveaux heurts ont éclaté entre réfugiés et policiers à la frontière grecque.

Selon les autorités turques, un migrant a été tué et cinq ont été blessés par des « tirs à balles réelles » des forces grecques alors qu’ils tentaient de franchir la frontière. Athènes a « catégoriquement démenti » avoir tiré contre des migrants.

Des dizaines de milliers de personnes ont afflué vers la Grèce depuis que M. Erdogan a ordonné vendredi l’ouverture des frontières de son pays, réveillant en Europe la peur d’une crise migratoire similaire à celle de 2015.

Face à ce nouvel afflux, plusieurs dirigeants européens ont dénoncé un « chantage » d’Ankara qui, aux termes d’un accord conclu avec Bruxelles en 2016, s’était engagé à lutter contre les passages illégaux en échange notamment d’une aide financière.

« Si les pays européens veulent régler le problème, alors ils doivent apporter leur soutien aux solutions politiques et humanitaires turques en Syrie », a cependant déclaré mercredi M. Erdogan lors d’un discours à Ankara.

– Blessures –

Sur le terrain, de nouvelles échauffourées ont éclaté au poste-frontière de Pazarkule (Kastanies, côté grec). Des migrants ont lancé des pierres en direction des forces de sécurité grecques qui ont riposté en faisant usage de gaz lacrymogènes.

Plusieurs ambulances turques sont arrivées sirènes hurlantes dans le secteur après ces violences.

Le gouvernorat d’Edirne (nord-ouest de la Turquie) a affirmé dans un communiqué que six migrants qui tentaient de traverser à Pazarkule avaient été blessés par des tirs grecs. L’un d’eux a succombé à ses blessures à la poitrine, selon cette source.

Un photographe de l’AFP a vu un migrant blessé à la jambe par des tirs en provenance du côté grec après avoir tenté avec un groupe de réfugiés de découper le grillage frontalier.

Des tirs en l’air dont l’origine ne pouvait être déterminée, des cris, des sirènes de police pouvaient être entendus. De la fumée se dégageait d’un gros feu.

Dans une vidéo fournie à l’AFP par le gouvernement grec, on voit des policiers turcs en train de tirer des grenades lacrymogènes contre les policiers grecs au poste-frontière.

Depuis l’ouverture des frontières par Ankara, quelque 1.720 migrants ont rejoint les îles de la mer Égée, selon Athènes, s’ajoutant aux 38.000 exilés déjà présents sur ces territoires grecs.

– Négociations à Ankara –

Dans son discours mercredi, M. Erdogan a accusé les Européens de « piétiner » les droits humains en « battant, coulant les embarcations et même en tirant » sur les migrants qui cherchent à se rendre en Europe.

Alarmée par l’afflux de migrants, l’Union européenne a dépêché son chef de la diplomatie Josep Borrell et le président du Conseil européen Charles Michel à Ankara, où ils ont été reçus mercredi par M. Erdogan.

La veille, plusieurs hauts responsables européens s’étaient rendus en Grèce pour exprimer leur soutien et promettre « toute l’aide nécessaire » à Athènes.

« Ceux qui cherchent à tester l’unité de l’Europe seront déçus », avais mis en garde la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

La décision prise par Ankara d’ouvrir ses frontières intervient au moment où la Turquie cherche à obtenir un appui occidental en Syrie, où elle mène une offensive et où elle est confrontée à un afflux de déplacés.

L’offensive que mène depuis décembre le régime à Idleb, dernier bastion rebelle et jihadiste dans le nord-ouest de la Syrie, a en effet provoqué une catastrophe humanitaire, avec près d’un million de personnes déplacées vers la frontière turque.

– Trêve en Syrie? –

Ankara, qui accueille déjà 3,6 millions de Syriens sur son sol, réclame depuis plusieurs mois la création d’une « zone de sécurité » dans le nord de la Syrie pour y installer les personnes déplacées.

Après plusieurs semaines d’escalade des tensions dans cette région, Ankara a déclenché la semaine dernière une offensive contre le régime.

Le ministère turc de la Défense a annoncé mercredi la mort de deux nouveaux soldats dans des tirs du régime, portant à près de 40 les pertes depuis la semaine dernière à Idleb.

La Turquie, qui a abattu mardi un avion du régime, le troisième depuis dimanche, a multiplié ces derniers jours les frappes de drones. Neuf combattants pro-régime ont été tués mercredi dans une attaque de drone, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, une ONG.

Ces affrontements se produisent à la veille d’une rencontre cruciale à Moscou entre M. Erdogan et le président russe Vladimir Poutine, dont le pays appuie militairement le régime de Bachar al-Assad.

Le président turc a indiqué mercredi qu’il espérait arracher « un cessez-le-feu le plus rapidement possible » lors de ce sommet.

Le conflit en Syrie a fait plus de 380.000 morts depuis 2011.

burs-gkg/ezz/lpt

Masques ou lunettes, les pays défendent leur arsenal face au virus

De la Russie à l’Indonésie, les Etats tentent d’assurer leur approvisionnement en masques de protection contre le coronavirus, alors que razzias, accaparements et même vols se multiplient.

Masques, mais aussi gants, lunettes, désinfectants et combinaisons intégrales: chaque pays tente de constituer son arsenal de résistance à l’épidémie face à des consommateurs affolés.

En Indonésie, la police a saisi pas moins de 600.000 masques dans un entrepôt de la région de Jakarta, alors que l’annonce lundi de deux premiers cas de contamination dans l’archipel a provoqué une ruée sur cet objet symbole de l’épidémie.

« Le prix des masques flambe et il y a des pénuries, très probablement parce que des accapareurs tentent de se faire de l’argent sur le dos des gens », a commenté pour l’AFP le porte-parole de la police de Jakarta, Yusri Yunus.

Au moins 500 personnes faisaient la queue mercredi devant un supermarché de Séoul pour tenter de mettre la main sur le précieux équipement médical devenu rare, au point que le président Moon Jae-in a dû présenter des excuses pour la pénurie.

La Corée du Sud, pays le plus touché par l’épidémie après la Chine, produit 10 millions de masques par jour, chiffre à mettre en rapport avec une population de 50 millions d’habitants.

Le gouvernement a réquisitionné la moitié de la production pour les bureaux de poste, les pharmacies et une coopérative agricole qui les vendent à prix fixe, avec une limite de cinq unités par personne.

Le pays asiatique n’est pas seul à être menacé par la pénurie.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a alerté mardi quant au « rapide épuisement » des stocks d’équipements de protection. Son directeur, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a réclamé une hausse de 40% de la production.

– Des couches aux masques –

L’OMS estime que chaque mois 89 millions de masques médicaux seront nécessaires dans le monde, ainsi que 76 millions de paires de gants et 1,6 million de lunettes de protection.

« L’OMS a expédié près d’un demi-million d’équipements de protection individuelle dans 27 pays, mais les stocks s’épuisent rapidement », a déclaré le patron de l’OMS, dénonçant « la hausse de la demande, l’accumulation et la mauvaise utilisation » de ces produits.

Or, « nous ne pourrons pas stopper le Covid-19 si nous ne protégeons pas nos travailleurs médicaux », a-t-il prévenu.

En Chine, où l’épidémie a pris naissance en décembre et fait depuis 2.981 décès, le manque initial d’équipements de protection a entraîné la contamination de milliers de médecins et infirmières et une dizaine de morts.

Le pays a converti des lignes de production de manteaux, de couches et mêmes de téléphones portables en chaînes de fabrication de masques ou de combinaisons intégrales.

En France le président Emmanuel Macron a annoncé mardi que l’Etat réquisitionnait « tous les stocks et la production de masques de protection » pour les fournir aux soignants et aux personnes atteintes du coronavirus. Plus de 8.000 masques ont été volés dans des hôpitaux parisiens et 2.000 à Marseille.

L’Allemagne et la Russie ont interdit mercredi l’exportation de matériel médical de protection.

L’Italie qui n’en produit pas, va recevoir 800.000 masques d’Afrique du Sud en deux jours mais elle a besoin d’une dizaine de millions d’autres pour faire face, a indiqué Luigi D’Angelo, responsable du bureau des urgences à la Protection civile.

Les hôpitaux disposaient déjà de réserves mais l’expansion de l’épidémie a mis le système sous tension, a-t-il expliqué à l’AFP.

En Chine, un haut responsable du ministère de l’Industrie a déclaré mercredi que les usines étaient désormais encouragées à produire aussi pour l’exportation, alors que la production excède désormais les besoins du Hubei, la province à l’épicentre de l’épidémie.

burs-lth/bar/ehl/lch

Le coronavirus en France: 4 morts, plus de 200 cas, 5 foyers

Quatre personnes porteuses du nouveau coronavirus sont décédées pour le moment en France, où ont été identifiés à ce jour 212 cas confirmés répartis majoritairement autour de quelques foyers, dont le principal dans l’Oise.

– Quatre morts –

+ Après plusieurs jours en réanimation à l’hôpital Bichat à Paris, un touriste chinois de 81 ans est mort le 14 février. Son décès a été le tout premier officiellement enregistré en Europe.

Arrivé en France le 23 janvier, cet homme originaire de la province de Hubei avait, dans un premier temps, consulté les urgences sans être repéré comme un cas suspect car il ne correspondait pas aux critères. Il avait de la fièvre mais ni toux ni signe respiratoire et ne venait pas de Wuhan, épicentre de l’épidémie, mais d’une ville située à 400 km au nord. Il a ensuite développé des problèmes respiratoires qui ont motivé un changement de son classement et le test s’est révélé positif le 28 janvier.

+ Un enseignant de 60 ans d’un collège de Crépy-en-Valois dans l’Oise est décédé dans la nuit du 25 au 26 février à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière à Paris. Il était alors le premier Français décédé en lien avec le nouveau coronavirus. Il n’avait pas voyagé dans une zone touchée par le virus.

+ La troisième victime est une femme de 89 ans dont le décès a été annoncé le 2 mars. Elle a été « testée en post-mortem à l’hôpital de Compiègne »,et « avait d’autres pathologies », selon le directeur général de la Santé Jérôme Salomon. Elle était aussi originaire de l’Oise (de Crépy-en-Valois).

+ Un homme de 92 ans, qui faisait partie du regroupement de cas du Morbihan est décédé mardi 3 mars à l’hôpital de Vannes.

– Cinq regroupements de cas –

Selon Santé Publique France, 12 régions françaises comptent au moins un cas (11 en métropole + la Guadeloupe), mais la situation est très contrastée.

Les zones où circule le virus, dans lesquelles la « chaîne de transmission » est connue pour « 3 cas sur 4 », « sont bien identifiées », a souligné mardi le Pr Salomon.

+ L’Oise est le département le plus touché, avec au moins 91 cas confirmés, dont deux des quatre décédés. Les rassemblements sont interdits sur tout le département. Selon les autorités, les investigations sont toujours en cours pour déterminer l’origine de la contamination.

Neuf communes « cluster » sont visées par des mesures de restrictions, notamment la fermeture des établissements scolaires: Crépy-en-Valois, Vaumoise, Lamorlaye, Lagny-le-Sec, Creil, Montataire, Villers-Saint-Paul, Nogent-sur-Oise et la Croix-Saint-Ouen.

+ La commune de La Balme-de-Sillingy en Haute-Savoie a désormais dépassé les 20 cas confirmés. Sur les premiers cas annoncés dans cette commune, un homme revenait d’un déplacement en Lombardie, un des foyers de l’épidémie en Italie.

+ Dans le Morbihan, 13 cas ont pour l’instant été confirmés et un de ces patients est décédé. Trois communes sont particulièrement touchées: Crac’h, Auray et Carnac.

+ Le dernier foyer identifié mardi regroupe dix cas, parmi des personnes ayant participé en février à un rassemblement organisé par une église évangélique à Mulhouse.

+ D’autre part, onze cas ont été confirmés parmi les participants à un voyage touristique en Egypte début février.

– Hospitalisations –

Selon le Pr Salomon, la « quasi totalité » des patients contaminés sont hospitalisés, mais pas nécessairement dans le département où ils vivent.

Dix d’entre eux sont dans un état grave en réanimation, mais la plupart des autres patients sont hospitalisés simplement pour isolement, et cette situation pourrait changer si l’épidémie continue à se propager.

« 80% des cas sont bénins, il n’y a pas beaucoup de sens, si dans les prochains jours il y a beaucoup de cas, à ce que les cas soient systématiquement hospitalisés alors qu’ils ont des symptômes très mineurs », a indiqué mardi le Pr Salomon. « Ils pourraient parfaitement bénéficier d’un maintien à domicile ».

Dans cette optique, il va falloir organiser le travail « entre l’hôpital et la médecine de ville » pour identifier les patients qui « vont assez bien » pour rester chez eux et ceux qui doivent « bénéficier d’une hospitalisation (personnes fragiles, âgées ou à risques particuliers) », a-t-il ajouté, précisant que cette organisation serait « déclinée selon les spécificités des territoires ».

– Douze guérisons –

Douze personnes contaminées avant la brusque accélération de l’épidémie la semaine dernière sont guéries.

Il s’agit de la fille de 50 ans du touriste chinois décédé et d’un couple de trentenaires chinois qui avaient fait partie des premiers cas annoncés le 24 janvier. Mi-février, un homme d’origine chinoise de 48 ans, passé par Wuhan, a pu sortir à son tour après 22 jours d’hospitalisation à Bordeaux.

A Paris, un médecin libéral, contaminé par un patient chinois reparti ensuite pour Taïwan, où il a déclaré la maladie, a pu quitter l’hôpital guéri, tout comme une franco-chinoise de 33 ans revenue de Chine le 7 février.

Six Britanniques, dont un enfant, avaient été contaminés par un compatriote de retour de Singapour qu’ils avaient côtoyé dans un chalet des Contamines-Montjoie (Haute-Savoie) où il avait séjourné quelques jours fin janvier avant de repartir dans son pays. Ils sont tous ressortis de l’hôpital.

Algérie: ouverture du procès d’une figure populaire du « Hirak »

Le procès de l’opposant Karim Tabbou, figure de proue du mouvement de contestation qui secoue l’Algérie depuis plus d’un an, s’est ouvert mercredi matin à Alger.

Chef d’un petit parti d’opposition non enregistré, l’Union démocratique et sociale (UDS), M. Tabbou, 46 ans, est notamment « accusé d’incitation à la violence » et est en détention provisoire depuis fin septembre.

Il est devenu l’une des figures les plus populaires du « Hirak », le mouvement de protestation antirégime, et son portrait est régulièrement brandi lors des manifestations hebdomadaires.

Selon des journalistes sur place, la police a tenté de disperser un rassemblement de soutien organisé devant le tribunal de Sidi M’hamed, où se tient ce procès, et a procédé à plusieurs interpellations.

Avant de fonder l’UDS, M. Tabbou avait été de 2007 à 2011 premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS), plus ancien parti d’opposition d’Algérie.

Si le Hirak n’a pas de structure formelle, Karim Tabbou en est l’un des visages et l’une des voix.

Placé en détention une première fois le 12 septembre 2019 après avoir été inculpé « d’atteinte au moral de l’armée » par un tribunal de Tipaza, à l’ouest d’Alger, il avait été remis en liberté le 25 septembre. A nouveau arrêté dès le lendemain, il a été inculpé cette fois d' »incitation à la violence » et une nouvelle fois incarcéré.

Plusieurs dizaines de personnes restent poursuivies et en détention dans le cadre du « Hirak », selon les organisations de défense des droits humains, leur nombre précis étant difficile à établir en raison des remises en liberté et des interpellations qui se succèdent concomitamment.

Après 55 ans d’enquête sur la mort de Ben Barka, toujours les mêmes questions

Pour Maurice Buttin, la disparition de Mehdi Ben Barka est « l’affaire de toute une vie ». A 91 ans, cet avocat saisit toutes les occasions pour poser inlassablement les mêmes questions, sans réponse depuis l’enlèvement du célèbre opposant marocain, le 29 octobre 1965 à Paris.

« Qui a tué ? Qu’est devenu le corps ? Mon combat, c’est d’apporter ces réponses à la famille », explique à l’AFP celui qui représente la famille Ben Barka depuis 55 ans.

« C’est un combat de justice et de vérité », dit avec force cet homme engagé qui connaît sur le bout des doigts l’histoire du Maroc où il a grandi et fait ses premières plaidoiries en défendant des militants nationalistes.

Au moment de sa disparition, le principal opposant d’Hassan II (1961-1999), chef de l’opposition socialiste et figure de l’Internationale socialiste, vivait en exil, frappé par deux condamnations à mort par contumace au Maroc.

Le militant de 45 ans a été vu pour la dernière fois devant un drugstore du boulevard Saint-Germain à Paris où il avait été attiré sous prétexte d’un rendez-vous pour un film sur la décolonisation.

– « Toujours rien » –

En 1966 et 1967, les procès-fleuve en présence de plus de 200 témoins ont permis d’établir que son enlèvement avait été planifié par les services secrets marocains du +Cab 1+ avec la complicité de policiers et de truands français. Les principaux suspects, jugés par contumace, ont échappé à la justice. La famille a déposé une nouvelle plainte en 1975.

Les dix juges d’instruction successifs de la plus longue enquête jamais menée en France n’ont pas réussi à lever la chape de plomb qui entoure cette affaire d’Etat. Et la famille Ben Barka s’interroge encore sur les responsabilités de la France et du Maroc ou même d’Israël et des Etats-Unis.

Pendant des années, Maurice Buttin a « fait toutes les bibliothèques et épluché les archives des uns et des autres » en quête du moindre indice. Il ne lâche pas, même si « après 55 ans d’enquête, on ne sait toujours rien sur ce qui s’est passé ».

Infatigable, cet homme robuste au front couronné de cheveux blancs s’est déplacé fin février à Rabat pour marquer le centenaire de la naissance du militant internationaliste. Au programme, conférence de presse et dédicace de son livre « Ben Barka, Hassan II, De Gaulle, ce que je sais d’eux ».

Plusieurs hypothèses macabres entourent le destin de Ben Barka: coulé dans du béton près d’une autoroute. Découpé en morceaux, dissous dans une cuve d’acide, jeté dans la chaux. Enterré en région parisienne sous la mosquée d’Evry.

Le journaliste français Joseph Tual qui a enquêté pendant plus de 30 ans sur l’affaire soutient que sa tête a été rapatriée au Maroc, présentée au roi Hassan II et enfouie dans une ancienne prison secrète de Rabat.

Le journaliste israélien Ronin Bergman, auteur d’un livre-enquête sur les opérations du Mossad, assure pour sa part que les services secrets israéliens ont, à la demande des Marocains, aidé les tueurs à se débarrasser du corps.

Pour Me Buttin, le roi Hassan II a donné l’ordre de ramener de force l’opposant au Maroc, après une vaine tentative pour le faire rentrer de plein gré.

« Il n’a pas donné l’ordre de le tuer, mais il est tout de même coupable de sa mort, provoquée par une bavure de ses ravisseurs », avance-t-il.

Pour lui, l’enquête est restée bloquée parce qu’au Maroc, « le statut de droit divin (du roi) rend impossible toute forme de critique ».

– « Rabat sait » –

« Seul Rabat sait la vérité, mais ceux qui savent refusent de parler », regrette-t-il. Et avec le temps, « presque tous ceux qui ont été impliqués dans l’enlèvement sont morts ».

Restent encore, selon lui, un agent français, Antoine Lopez, « qui a perdu la tête » et « deux Marocains qui vivent à Rabat » en toute tranquillité.

Miloud Tounsi, soupçonné d’être l’agent du Cab 1 opérant sous l’identité de Larbi Chtouki pour coordonner l’opération, et le général Hosni Benslimane, ancien chef de la gendarmerie royale qui officiait à l’époque au cabinet du ministre de l’Intérieur Mohamed Oufkir, n’ont jamais été inquiétés par les mandats d’arrêt lancés contre eux en 2007 par la justice française.

Côté français, aucun dossier, y compris ceux déclassifiés, « ne contient de réponse sur les circonstances de la disparition du corps et du décès », selon Me Buttin. Mais les documents pas encore déclassifiés « pourraient permettre de connaître le niveau des complicités » en France, selon lui.

« Tant que Dieu me prête vie, je continue », explique l’avocat avec un grand sourire. Retraité depuis 15 ans, il ne plaide plus mais reste actif sur ce dossier « par fidélité » pour la famille, par « idéal de justice ».

Au Pakistan, la pire invasion de criquets depuis près de 30 ans

Dans la région de Pipli Pahar (Est), le fracas d’ustensiles en métal vient briser la sérénité des champs de blé. A l’origine du tintamarre, des paysans tentent d’effrayer des criquets pèlerins, dont c’est la pire invasion au Pakistan depuis près de 30 ans.

Chaque jour, au lever du soleil, des nuages de pesticides obscurcissent l’air. Les villageois ramassent alors des pelletées d’insectes morts, qu’ils remettent à des fonctionnaires contre une récompense de 20 roupies pakistanaises (12 centimes d’euros) par kilo.

« Je n’avais pas vu une telle invasion de toute ma carrière », s’effraie Shehbaz Akhtar, un fonctionnaire chargé de l’éradication des criquets dans la province du Pendjab, le grenier à céréales du Pakistan.

Le Pakistan connaît sa pire attaque de criquets pèlerins depuis 27 ans, ont déclaré des responsables fédéraux et locaux à l’AFP.

D’après l’ONU, fortes pluies et cyclones ont déclenché une multiplication « sans précédent » des populations de criquets l’an passé dans la péninsule arabique.

Les essaims ont ensuite quitté le désert du Baloutchistan (Sud-Ouest), près de la frontière iranienne, où ils se reproduisent habituellement, pour s’abattre sur le Pendjab et le Sindh (Sud).

Les criquets pèlerins avaient déjà fait de lourds dégâts dans le nord-ouest de Inde, voisin du Pakistan, ces derniers mois. Une année de conditions climatiques extrêmes les ont également vu dévaster une dizaine de pays d’Afrique de l’Est cette année.

Au Pakistan, aucune donnée officielle ne permet de savoir combien de terres ont été touchées ni combien ils menacent la sécurité alimentaire ou même l’économie du pays, dont l’agriculture pèse 20% du PIB.

– ‘Vaincre’ les criquets –

Les autorités, qui affirment procéder à des enquêtes locales dont beaucoup sont encore en cours, ont déclaré une urgence nationale. Une « opération de combat » a été lancée pour « vaincre » les criquets, affirme Shehbaz Akhtar.

« Nous pulvérisons deux fois par jour ici », acquiesce Fayyaz Azeem, juché sur un tracteur, un masque sur le visage et les mains gantées, pour épandre des pesticides, une fois à l’aube et une autre fois le soir.

Mais la méthode est lente, face à des essaims pouvant parcourir 150 km quotidiennement. Souvent, lorsque les criquets sont tués dans un champ, ils ont déjà détruit le suivant. Les produits chimiques sont en outre si forts qu’ils rendent les céréales inconsommables ensuite.

L’ami et voisin chinois a proposé son aide face au fléau, envoyant des équipes d’experts pour évaluer la crise, se réjouit Muhammad Hashim Popalzai, secrétaire au ministère de la sécurité alimentaire, interrogé par l’AFP.

Sur la base de leur recommandations, Pékin pourrait proposer la pulvérisation aérienne – une méthode beaucoup plus rapide et efficace. Le Pakistan pourrait également importer des pesticides de Chine.

– Vigilance –

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), s’implique également, selon M. Popalzai, permettant la tenue de réunions entre Inde et Pakistan, deux puissances nucléaires aux relations exécrables, pour empêcher les essaims de se propager.

Mais pour beaucoup, le mal est déjà fait. Une catastrophe quand « nos moyens de subsistance dépendent des récoltes », déplore Muhammad Ismaeel Wattoo, un autre agriculteur touché par le fléau à Pipli Pahar.

Dans la province du Sindh, les responsables craignent l’impact des criquets sur la production de coton, qui atteint son maximum pendant l’été. D’après la Chambre d’agriculture du Sindh, environ 40% de toutes les cultures ont été détruites « à Karachi et dans les environs ».

Zafar Hayyat, le président du Bureau des agriculteurs du Pakistan, impute la faute aux autorités. La dernière invasion de cette ampleur date d’il y a si longtemps que « le gouvernement n’était plus vigilant », regrette-t-il.

Les autorités doivent en outre rester sur le qui-vive car « après la saison de reproduction, il y a un risque que les essaims reviennent en juin », avertit-il.

Mais pour certains à Pipli Pahar, les efforts déjà déployés ont été trop faibles, ou trop tardifs. Assise au coin d’un champ de blé avec sa vache, Rafiya Bibi observe les nuages de pesticides qui l’entourent.

Les criquets ont déjà détruit ses cultures de colza, de tournesol, de piments et de tabac, qu’elle avait payées avec un prêt de 45.000 roupies (260 euros) du gouvernement, une fortune en milieu rural.

Sans récolte, elle craint de ne pas pouvoir rembourser son prêt. Et soupire: « tout ce qu’il me reste, c’est pleurer. »

Après 55 ans d’enquête sur la mort de Ben Barka, toujours les mêmes questions

Pour Maurice Buttin, la disparition de Mehdi Ben Barka est « l’affaire de toute une vie ». A 91 ans, cet avocat saisit toutes les occasions pour poser inlassablement les mêmes questions, sans réponse depuis l’enlèvement du célèbre opposant marocain, le 29 octobre 1965 à Paris.

« Qui a tué ? Qu’est devenu le corps ? Mon combat, c’est d’apporter ces réponses à la famille », explique à l’AFP celui qui représente la famille Ben Barka depuis 55 ans.

« C’est un combat de justice et de vérité », dit avec force cet homme engagé qui connaît sur le bout des doigts l’histoire du Maroc où il a grandi et fait ses premières plaidoiries en défendant des militants nationalistes.

Au moment de sa disparition, le principal opposant d’Hassan II (1961-1999), chef de l’opposition socialiste et figure de l’Internationale socialiste, vivait en exil, frappé par deux condamnations à mort par contumace au Maroc.

Le militant de 45 ans a été vu pour la dernière fois devant un drugstore du boulevard Saint-Germain à Paris où il avait été attiré sous prétexte d’un rendez-vous pour un film sur la décolonisation.

– « Toujours rien » –

En 1966 et 1967, les procès-fleuve en présence de plus de 200 témoins ont permis d’établir que son enlèvement avait été planifié par les services secrets marocains du +Cab 1+ avec la complicité de policiers et de truands français. Les principaux suspects, jugés par contumace, ont échappé à la justice. La famille a déposé une nouvelle plainte en 1975.

Les dix juges d’instruction successifs de la plus longue enquête jamais menée en France n’ont pas réussi à lever la chape de plomb qui entoure cette affaire d’Etat. Et la famille Ben Barka s’interroge encore sur les responsabilités de la France et du Maroc ou même d’Israël et des Etats-Unis.

Pendant des années, Maurice Buttin a « fait toutes les bibliothèques et épluché les archives des uns et des autres » en quête du moindre indice. Il ne lâche pas, même si « après 55 ans d’enquête, on ne sait toujours rien sur ce qui s’est passé ».

Infatigable, cet homme robuste au front couronné de cheveux blancs s’est déplacé fin février à Rabat pour marquer le centenaire de la naissance du militant internationaliste. Au programme, conférence de presse et dédicace de son livre « Ben Barka, Hassan II, De Gaulle, ce que je sais d’eux ».

Plusieurs hypothèses macabres entourent le destin de Ben Barka: coulé dans du béton près d’une autoroute. Découpé en morceaux, dissous dans une cuve d’acide, jeté dans la chaux. Enterré en région parisienne sous la mosquée d’Evry.

Le journaliste français Joseph Tual qui a enquêté pendant plus de 30 ans sur l’affaire soutient que sa tête a été rapatriée au Maroc, présentée au roi Hassan II et enfouie dans une ancienne prison secrète de Rabat.

Le journaliste israélien Ronin Bergman, auteur d’un livre-enquête sur les opérations du Mossad, assure pour sa part que les services secrets israéliens ont, à la demande des Marocains, aidé les tueurs à se débarrasser du corps.

Pour Me Buttin, le roi Hassan II a donné l’ordre de ramener de force l’opposant au Maroc, après une vaine tentative pour le faire rentrer de plein gré.

« Il n’a pas donné l’ordre de le tuer, mais il est tout de même coupable de sa mort, provoquée par une bavure de ses ravisseurs », avance-t-il.

Pour lui, l’enquête est restée bloquée parce qu’au Maroc, « le statut de droit divin (du roi) rend impossible toute forme de critique ».

– « Rabat sait » –

« Seul Rabat sait la vérité, mais ceux qui savent refusent de parler », regrette-t-il. Et avec le temps, « presque tous ceux qui ont été impliqués dans l’enlèvement sont morts ».

Restent encore, selon lui, un agent français, Antoine Lopez, « qui a perdu la tête » et « deux Marocains qui vivent à Rabat » en toute tranquillité.

Miloud Tounsi, soupçonné d’être l’agent du Cab 1 opérant sous l’identité de Larbi Chtouki pour coordonner l’opération, et le général Hosni Benslimane, ancien chef de la gendarmerie royale qui officiait à l’époque au cabinet du ministre de l’Intérieur Mohamed Oufkir, n’ont jamais été inquiétés par les mandats d’arrêt lancés contre eux en 2007 par la justice française.

Côté français, aucun dossier, y compris ceux déclassifiés, « ne contient de réponse sur les circonstances de la disparition du corps et du décès », selon Me Buttin. Mais les documents pas encore déclassifiés « pourraient permettre de connaître le niveau des complicités » en France, selon lui.

« Tant que Dieu me prête vie, je continue », explique l’avocat avec un grand sourire. Retraité depuis 15 ans, il ne plaide plus mais reste actif sur ce dossier « par fidélité » pour la famille, par « idéal de justice ».

Afghanistan: frappe américaine et attaques des talibans, la paix s’éloigne

Le processus de paix en Afghanistan paraît chaque jour plus hypothétique, les Etats-Unis ayant annoncé mercredi une première frappe aérienne contre les talibans depuis l’accord de Doha alors que les insurgés ont tué au moins 20 soldats et policiers afghans.

Mardi, après « une très bonne conversation » avec le mollah Baradar, principal négociateur du processus de Doha, le président Donald Trump avait déduit que les talibans « veulent mettre fin à la violence ». Mais sur le terrain, la réalité semble toute autre.

Les insurgés n’ont cessé de multiplier les attaques contre les forces afghanes, depuis qu’ils ont mis fin lundi à une trêve partielle qui avait duré neuf jours.

Cette diminution des combats, exigée par Washington, leur a permis de signer un accord historique samedi à Doha, dans lequel Washington s’est engagé à retirer les troupes étrangères d’Afghanistan sous 14 mois, en échange du respect par les insurgés de certaines garanties, dont leur participation à un dialogue inter-afghan sur l’avenir du pays, censé démarrer le 10 mars.

En outre, « les dirigeants des talibans avaient promis à la communauté internationale qu’ils réduiraient la violence et non qu’ils augmenteraient les attaques », a pointé sur Twitter le colonel Sonny Leggett, porte-parole des forces américaines en Afghanistan.

Or la violence est encore montée d’un cran: au moins 20 policiers et soldats ont été tués lors d’attaques talibanes dans la nuit de mardi à mercredi.

« Des combattants talibans ont attaqué au moins trois avant-postes de l’armée dans le district d’Imam Sahib à Kunduz, tuant au moins dix soldats et quatre policiers », a indiqué Safiullah Amiri, membre du conseil provincial de Kunduz (Nord).

La police locale et un cadre du ministère de la Défense ont confirmé ce bilan.

Dans l’Oruzgan (Sud), « six policiers ont été tués et sept blessés » par les talibans à Tarinkot, a indiqué Zergai Ebadi, porte-parole du gouverneur de la province.

– ‘Défendre nos partenaires afghans’ –

Mardi déjà, un porte-parole du ministère afghan de l’Intérieur dénombrait 33 attaques talibanes contre les forces des sécurité afghanes dans 16 des 34 provinces du pays.

Le colonel Leggett a lui fait état, « sur la seule journée du 3 mars », de 43 attaques des talibans contre des points de contrôle des forces afghanes dans le Helmand, province du Sud considérée comme un des principaux fiefs des insurgés.

En retour, « les Etats-Unis ont conduit mercredi une frappe aérienne à Nahr-e Saraj, dans le Helmand, contre des combattants talibans qui attaquaient activement les forces de sécurité afghanes. C’était une frappe défensive », a tweeté le militaire américain.

« Nous sommes engagés pour la paix, mais nous avons la responsabilité de défendre nos partenaires afghans », a-t-il poursuivi pour justifier cette première frappe américaine depuis les accords de Doha, mais également leur « première frappe contre les talibans » depuis le début de la trêve partielle, il y a « 11 jours ».

Cette détérioration sécuritaire fait peser des craintes sur le dialogue inter-afghan, censé réunir talibans, gouvernement afghan, opposition et société civile. Des pourparlers historiques, les talibans refusant depuis 18 ans de reconnaître les autorités de Kaboul, qu’ils qualifient de « marionnette » des Etats-Unis.

Mais au-delà de la situation sécuritaire, d’autres obstacles s’annoncent: le président afghan Ashraf Ghani rejette l’un des principaux points de l’accord de Doha, la libération de jusqu’à 5.000 prisonniers talibans en échange de celle de jusqu’à 1.000 membres des forces afghanes aux mains des insurgés.

Selon les talibans, qui font désormais de cette mesure un préalable à tout démarrage des discussions inter-afghanes, le mollah Baradar a demandé à M. Trump de « ne laisser personne prendre des mesures qui enfreignent les termes de l’accord ».

Migrants: heurts à la frontière turco-grecque

Des heurts se sont produits mercredi à la frontière turco-grecque, faisant au moins un blessé parmi les migrants, selon des correspondants de l’AFP.

Près du poste-frontière de Pazarkule (Kastanies, côté grec) un migrant a été blessé à la jambe par des tirs en provenance du côté grec après avoir tenté avec un groupe de réfugiés de découper le grillage dressé à la frontière pour pénétrer en territoire grec, a constaté un photographe de l’AFP.

Des échauffourées ont suivi cet incident au cours desquelles des migrants ont lancé des pierres en direction des forces de sécurité grecques qui ont riposté en faisant usage de gaz lacrymogènes.

Plusieurs ambulances turques sont arrivées dans le secteur à la suite de ces heurts.

Dans une vidéo fournie à l’AFP par le gouvernement grec, on voit des policiers turcs en train de tirer des grenades lacrymogènes contre les policiers grecs au poste-frontière.

Selon des correspondants de l’AFP présents côté turc de la frontière à Kastanies, des colonnes de de migrants de la zone tampon se sont approchés mercredi matin des fils barbelés.

Des tirs en l’air dont l’origine ne pouvait être déterminée, des cris, des sirènes de police pouvaient être entendus. De la fumée se dégageait d’un gros feu.

Des cordons de policiers casqués et lourdement équipés se tenaient prêts côtés grec, selon la même source.

La Turquie, qui tente d’obtenir davantage de soutien occidental en Syrie face au régime syrien et son allié russe, a ouvert vendredi sa frontière avec la Grèce pour laisser passer vers l’Europe les migrants se trouvant déjà sur son territoire.

Après cette annonce, plusieurs milliers de personnes ont afflué au point de passage de Pazarkule. Plusieurs canots pneumatiques transportant des migrants sont en outre arrivés sur les îles égéennes de Lesbos, Chios et Samos.

Entre samedi et lundi soir, « 24.203 tentatives d’entrées illégales ont été évitées, 183 personnes ont été arrêtées », selon le gouvernement grec.

Masque, thermomètre, suivi high-tech : le quotidien chamboulé en Chine

Prise de température régulière, masque obligatoire dans les commerces, suivi des habitants grâce aux nouvelles technologies : c’est désormais la vie quotidienne en Chine, où la mobilisation nationale contre le coronavirus se manifeste partout.

L’épidémie de pneumonie Covid-19 a infecté plus de 80.000 personnes dans le pays, dont près de 3.000 mortellement.

Mais elle faiblit depuis plusieurs semaines. La conséquence de mesures de prévention drastiques qui ont chamboulé le quotidien des Chinois.

Le nouveau coronavirus se rappelle ainsi à la mémoire de chacun dès la commande d’un taxi. A Shanghai, les chauffeurs, désormais équipés de gants blancs, exigent des passagers qu’ils portent un masque.

A Wenzhou (est), un conducteur de voiture de transport avec chauffeur (VTC) va même plus loin : il a installé une paroi transparente en plastique entre les sièges avant et arrière.

Une mesure nationale lancée par Didi Chuxing (l’équivalent en Chine de Uber). L’entreprise dit avoir investi 100 millions de yuans (13 millions d’euros) pour installer ces équipements censés protéger hermétiquement chauffeurs et passagers.

Les trains, eux, sont désertés par des Chinois inquiets du risque de contagion. Ce qui n’empêche pas les sites de réservation de billets d’afficher des wagons « complets » ou ne disposant plus que d’une poignée de places assises.

Explication : afin d’éviter que les voyageurs soient assis trop près les uns des autres, le système ne permet de réserver qu’une petite partie des sièges.

– Code couleur –

Dans un climat de suspicion, les géants de l’internet Alibaba et Tencent ont créé des applications mobiles qui permettent aux Chinois d’attester de leur niveau de risque supposé auprès des autorités.

Ils peuvent s’en servir pour obtenir dans leur téléphone un code QR, dont la couleur dépend de leurs visites (ou non) dans des lieux classés à risque : vert (aucune restriction n’est imposée), jaune (quarantaine de 7 jours) ou rouge (quarantaine de 14 jours).

Ce système alimente cependant des critiques en matière de vie privée, car il se fonde sur l’analyse des déplacements effectués par l’utilisateur de l’application.

Avoir ce code QR est devenu quasi-obligatoire dans plusieurs villes afin de sortir des gares ou d’utiliser les transports publics.

A Wenzhou, taxis, hôtels et commerces exigent de voir la couleur de chaque code avant de laisser quiconque entrer ou monter à bord.

Tout accueil dans les établissements hôteliers se traduit désormais par des contrôles de températures. Ils sont réalisés par des employés vêtus de masques et pointant des thermomètres électroniques vers le front ou les poignets des clients.

« Avez-vous de la fièvre? Vous sentez-vous mal? Avez-vous voyagé dans le Hubei récemment? », demande le réceptionniste d’un hôtel de Wenzhou.

– ‘N’avancez pas!’ –

Des contrôles qui se répètent partout dans la ville.

Le journaliste de l’AFP a ainsi eu sa température mesurée une dizaine de fois en une journée : par les chauffeurs de taxis, le propriétaire d’un restaurant, le vendeur d’une épicerie ou encore lors d’un contrôle nocturne devant la porte de sa chambre par une employée de l’hôtel.

« N’avancez pas! Restez où vous êtes », a-t-elle déclaré sur un ton sec, avant qu’un petit bip sonore n’annonce le résultat. « Tout est normal. Bonne soirée! »

La psychose ambiante autour du virus conduit même à l’abandon provisoire du savoir-vivre chinois.

La bienséance impose généralement de saisir à deux mains une carte de visite que quelqu’un vous tend, en signe de respect. Mais une responsable de la municipalité de Wenzhou, plutôt que de prendre celle du journaliste de l’AFP, lui a demandé de la placer sur une table.

Et au moment de serrer la main d’un autre fonctionnaire, celui-ci a poliment décliné.

« Par mesure de précaution, il vaut mieux éviter de se saluer ainsi », a-t-il souri, avant de proposer en échange un amical « coude-à-coude ».

Voter ou non pour l’extrême gauche ? Le dilemme du parti de Merkel en Thuringe

Voter pour un candidat d’extrême gauche en Thuringe ou s’abstenir et faire le jeu de l’extrême droite ? Le parti conservateur d’Angela Merkel va devoir résoudre ce dilemme mercredi pour sortir du blocage cette région d’Allemagne.

Pour la deuxième fois en un mois, les élus du Parlement de ce Land d’ex-RDA vont tenter d’élire leur président.

En février, l’élection surprise du candidat du petit parti libéral FDP, grâce aux voix de la droite conservatrice CDU et de l’extrême droite AfD, avait provoqué un séisme en Allemagne.

L’élection de Thomas Kemmerich grâce aux suffrages de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), devenue la deuxième force politique régionale, avait en effet brisé un tabou datant de l’après-guerre.

– Malédiction –

Face au tollé, le dirigeant libéral avait dû renoncer 24 heures après à ses fonctions, plongeant les institutions dans la paralysie.

Cette crise politique a eu des répercussions jusqu’à la tête de la CDU, la dauphine d’Angela Merkel, Annegret Kramp-Karrenbauer, renonçant à présider le parti et à viser la chancellerie en 2021, faute d’autorité sur ses troupes en Thuringe.

Et jusqu’au bout une malédiction a semblé s’acharner sur cette région, parmi les plus défavorisées d’Allemagne. Le nouveau coronavirus a en effet menacé dans les dernières heures la tenue du scrutin.

Un membre du groupe CDU, potentiellement exposé au Covid-19, a dû subir un dépistage, qui s’est révélé mardi soir négatif. Dans le cas contraire, l’élection aurait été reportée sine die.

Cette dernière menace dissipée, l’élection va opposer Bodo Ramelow (Die Linke, extrême gauche), président sortant de la région, à Bjorn Höcke, dirigeant local de l’AfD.

Agé de 47 ans, M. Höcke est le chef de file de la frange la plus radicale de l’AfD, « L’Aile », surveillée par les services de renseignements.

Violemment xénophobe, cette branche de l’AfD n’hésite pas à remettre en cause la culture de la repentance pour les crimes nazis, socle de l’identité allemande d’après-guerre.

M. Ramelow, 64 ans, qui a perdu sa majorité de gauche lors des élections en octobre, devrait recevoir le soutien des sociaux-démocrates du SPD et des écologistes. Mais il a besoin de 4 voix supplémentaires pour atteindre la majorité absolue de 46 voix.

Les libéraux, que l’élection M. Kemmerich a plongé dans une crise aiguë, devraient eux s’abstenir.

Tous les regards sont donc tournés vers les conservateurs de la CDU, les faiseurs de rois de cette élection.

– « Chaos » –

Le parti d’Angela Merkel, qui élira le 25 avril un nouveau président et probable candidat à la chancellerie l’an prochain, a jusqu’ici toujours exclu de voter pour des candidats de l’extrême gauche, du fait notamment de ses liens présumés avec l’ancien régime est-allemand.

Les candidats à la succession de Mme Kramp-Karrenbauer partagent cette réticence.

Friedrich Merz, ennemi juré de la chancelière et tenant d’un retour aux sources conservatrices du parti, comme les candidats supposés plus modérés, Armin Laschet, dirigeant de la région de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, et Norbert Röttgen, ex-ministre de l’Environnement, réprouvent tout vote pour Die Linke.

Des cadres de la CDU, dont le chef de file des jeunes du parti, Tilman Kuban, militent eux aussi pour que leurs élus s’abstiennent.

Mais sur le plan local, les prises de position sont plus ambiguës.

Sans donner de consigne claire en faveur de Die Linke, plusieurs dirigeants, comme le nouveau chef de file de la CDU en Thuringe, Mario Voigt, ont ainsi appelé ces derniers jours les élus à « ne pas se soustraire à leurs responsabilités ». Les électeurs « veulent que cesse le chaos », a-t-il fait valoir.

M. Ramelow se veut lui aussi confiant. Politicien madré, il pense, après avoir consulté l’ensemble des groupes hors AfD, pouvoir obtenir « suffisamment de suffrages des groupes parlementaires démocratiques » pour être élu.

En Argentine, la légalisation de l’avortement revient au centre du débat

Le débat sur la légalisation de l’avortement ressurgit en Argentine, où les pro et anti-IVG fourbissent leurs armes tandis qu’un nouveau projet de loi va être très prochainement débattu au Parlement à l’initiative du président Alberto Fernandez.

Dans ce pays sud-américain de 45 millions d’habitants, berceau du pape François, l’avortement n’est légal qu’en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère. Mais chaque année, environ 400.000 avortements sont pratiqués, selon les organisations de Défense des droits des femmes.

Ces avortements se déroulent la plupart du temps dans des conditions d’hygiène précaires pour les plus pauvres, ou dans des cliniques privées pour celles qui peuvent débourser environ 1.000 euros. Une Argentine qui avorte s’expose à une peine de prison jusqu’à quatre ans, selon le code pénal, et le praticien risque la même sanction.

En juin 2018, lors d’un vote historique, la chambre des députés avait approuvé la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) jusqu’à la 14e semaine, mais le Sénat l’avait finalement rejetée quelques semaines plus tard.

Depuis cette date, les deux chambres ont été partiellement renouvelées et le nouveau président de centre-gauche s’est fermement engagé à présenter devant le Parlement un nouveau projet de loi en faveur de la légalisation.

« Toute la société doit respecter la décision individuelle de chacun à disposer de son corps », a déclaré le chef de l’Etat le 1er mars, à l’ouverture de la session ordinaire du Congrès, où il a promis de déposer le projet « dans les dix jours ».

A l’approche du débat parlementaire et de la Journée internationale des femmes, les mouvements féministes ont prévu de descendre dans la rue pour maintenir la pression sur les parlementaires, alors que l’Eglise catholique, les évangéliques et les groupes « pro-vie » sont aussi bien décidés à donner de la voix.

« Avoir un président qui se prononce en faveur (de la légalisation), c’est un succès de nous toutes. C’est un moment historique et nous devons rester mobilisées dans la rue », explique à l’AFP Victoria Tesoriero, de la Campagne nationale pour le droit à un avortement sûr, légal et gratuit.

En Amérique latine, l’Argentine a été pionnière pour la promulgation de lois sur le mariage homosexuel et l’identité de genre. En cas de légalisation de l’avortement, le pays rejoindrait Cuba, l’Uruguay, le Guyana et la province de Mexico.

– « Militantisme du président » –

Mais les opposants ne désarment pas.

« Le militantisme actif du président nous inquiète. Il va faire tout son possible pour que cela soit voté. La pression sur les provinces et les gouverneurs peut d’une certaine manière influencer le vote des sénateurs », redoute Camila Duro, porte-parole du mouvement Frente Joven (Front jeune).

« Nous voulons alerter le pouvoir politique que dans le pays, une majorité, qui apparaît dans les sondages et qui se mobilise dans la rue, n’est pas d’accord avec ce projet de loi », ajoute-t-elle.

Selon la dernière enquête d’opinion sur les croyances et comportements religieux en Argentine, le nombre de personnes qui affirment que l’avortement est un droit pour les femmes a doublé en dix ans, passant de 14,1% en 2008 à 27,3% en 2019.

Parallèlement, le nombre de personnes qui estiment que l’avortement doit être maintenu « interdit » a aussi augmenté, même si dans une moindre proportion, passant de 16,9% en 2008 à 18,7% en 2019.

Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, l’Eglise catholique a prévu une messe à la Basilique de Notre-Dame de Lujan, important lieu de pèlerinage, à 75 km à l’ouest de Buenos Aires, avec pour thème « Oui aux femmes, oui à la vie ».

« L’église est prête à jouer un rôle de premier plan et à faire pression sur le gouvernement Fernandez qui a reçu le soutien de divers secteurs catholiques pendant la campagne, en particulier sur les questions de la faim et de la pauvreté » accentuées par la profonde crise économique, souligne Camila Duro.

Le lendemain, les mouvements féministes ont annoncé une grève des femmes, ainsi qu’une manifestation pro-IVG devant le palais du Congrès, avec les désormais célèbres foulards verts, symbolisant la lutte en faveur de la légalisation.

Ogossagou, Mali, 14 février 2020: anatomie d’un massacre

Le 23 mars 2019, plus de 160 civils peuls étaient massacrés à l’aube dans un petit village du centre du Mali. Moins d’un an après, les hommes armés et l’horreur sont revenus à Ogossagou.

Huit témoignages recueillis par l’AFP retracent comment une trentaine de villageois y ont été assassinés le 14 février, nouvelles victimes du tourbillon de violences à caractère autant communautaire que jihadiste qui ensanglante la région.

Ogossagou est inaccessible à un journaliste étranger sans une escorte militaire exceptionnelle. Mais le récit des témoins retrace l’angoisse qui étreint le village quand la garnison établie après le carnage de mars 2019 quitte la place sans prévenir, la terreur et la fuite éperdue pendant l’attaque, et l’accablement après.

Quand la quarantaine de soldats plie bagages le 13 février le pressentiment de l’inéluctable s’empare des villageois.

C’est comme si des frères étaient partis, dit Bakaye Ousmane Barry, 46 ans, habitant d’Ogossagou présent ce jour-là.

Pour expliquer ce départ précipité après des mois de présence ininterrompue, le gouverneur de la région, Abdoulaye Cissé, invoque le repositionnement en cours de l’armée sur le territoire malien, après une succession d’opérations jihadistes meurtrières.

– Pendu au téléphone –

« On a vu que la situation ne s’améliorait pas (au niveau national), on a voulu changer de posture. Les forces étaient sur place, statiques, dans (des) emprises mal faites », dit le plus haut représentant de l’Etat dans la région. « On n’a même pas supprimé (la garnison), on était en regroupement. C’est pendant ce temps-là qu’il y a eu ce drame qu’Ogossagou vient de connaître pour une deuxième fois ».

Les soldats laissent à lui-même ce petit village, composé d’un quartier dogon et d’un quartier peul, l’un des derniers à des kilomètres à la ronde où vivent encore des Peuls. Alentour, des dizaines d’autres villages peuls se sont vidés à la suite d’attaques.

La crise en cours au Mali depuis 2012 a vu l’émergence dans le centre d’un groupe jihadiste autour du prédicateur peul Amadou Kouffa en 2015, recrutant prioritairement parmi des Peuls, traditionnellement éleveurs.

Les affrontements se multiplient alors entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon, pratiquant essentiellement l’agriculture, qui ont créé des groupes d’autodéfense se sont constitués, comme la milice pro-dogon Dan Na Ambassagou.

Tous sont musulmans, mais les violences ont progressivement pris une dimension communautaire accentuée.

Il est 18H00 quand les soldats partent en hâte. Onze heures avant l’attaque, la psychose s’empare du village.

« A partir de ce moment jusqu’à l’aube, j’ai reçu des dizaines d’appels », raconte un notable d’Ogossagou dans la capitale régionale Mopti, où il a fui il y a cinq mois. Il a perdu sept frères et son père l’an passé. « On savait qu’au moment où on ne serait plus protégé, on se ferait encore attaquer ».

S’exprimant sous le couvert de l’anonymat comme d’autres pour des raisons de sécurité, il dit avoir alerté six autorités différentes: militaires, administratives, onusiennes. En vain. Un rapport interne de la Mission de l’ONU (Minusma) confirme qu’elle a été alertée la veille des faits que des hommes armés « ont été vus en train de se regrouper autour » d’Ogossagou.

– Aurore spectrale –

Selon tous les habitants interrogés, ce sont des chasseurs dogons, la communauté déjà accusée en 2019. Comme à l’époque, aucune preuve ne vient corroborer cette mise en cause. La milice Dan Na Ambassagou, officiellement dissoute au lendemain du premier massacre d’Ogossagou, a démenti être derrière cette nouvelle attaque.

La nuit tombe. « Impossible de préparer le dîner. Pourquoi préparer des repas quand on sait qu’on va être attaqué », dit Mariam Belko Barry, 67 ans, aujourd’hui réfugiée à Mopti.

En 2019, les assaillants avaient attaqué juste avant l’aube. Alors, ce soir-là, elle tente de conjurer la peur de la nuit: « Il faut que le soleil vienne et cela ira mieux ».

Un détachement de Casques bleus arrive peu avant 02H00, dit le porte-parole de la Minusma Olivier Salgado. C’est plus de six heures après que la Minusma a été alertée. La cinquantaine de soldats ne trouve « aucun signe de menace » et continue la patrouille vers les villages voisins.

Dans Ogossagou,les habitants ne trouvent pas le sommeil.

A 05H00, l’imam appelle à la prière de l’aube. L’éleveur Bakaye se dirige vers la mosquée, prie et s’en remet à Dieu.

Un premier coup de feu retentit.

– Deux heures meurtrières –

Bakaye est saisi d’effroi. Chez elle, Mariam Barry entend les mêmes détonations. Tout s’accélère. Elle se rue dans la maison en banco de l’ancien marabout, tué l’an passé, car « c’est plus sécurisé que la mienne en paille ». Puis, avec son mari Aliou et beaucoup de voisins, elle s’enfuit en brousse.

Mariam, vieille femme qui marche le dos courbé, court « encore et encore ». Elle perd de vue son mari. Il est touché de trois balles: au genou, à la hanche et au pied. Il survivra. Elle continue à courir.

Bakaye est sorti de la mosquée et détale. « Tout le monde fuit ». Les tirs sont rapprochés; ce sont des armes automatiques.

A distance, le notable continue d’appeler le village et les autorités. On lui répond qu’un détachement est en route. Il faut attendre.

Deux heures se passent au bruit des balles. De la fumée noire s’élève du village, relatent ceux qui sont cachés dans les broussailles. Des maisons et des greniers sont brûlés.

A huit heures arrivent quatre véhicules de l’armée et trois de l’ONU. Ils arrêtent un homme armé; les autres sont déjà partis.

– Sortir, et mourir –

Bakaye sort des hautes herbes et retourne au village. « Je cherche mes proches, je les appelle, je ne sais pas où ils sont ».

Les habitants reviennent un à un. Les soldats partent avec les hommes ratisser les environs. Les corps, certains calcinés, s’amoncellent. Six, puis douze, vingt-et-un… Le soir, Bamako annonce 31 civils tués.

Les témoins évoquent une dizaine de disparus. Un frère de Bakaye manque à l’appel. « J’espère qu’il est encore en brousse à se cacher ». La probabilité s’en amenuise chaque jour.

Tous disent ne plus vouloir retourner à Ogossagou. « Jusqu’à la mort, jamais. Si l’armée repart, on se refera attaquer », dit Mariam. La confiance dans l’armée est rompue, dit une autre habitante toujours sur place. Son témoignage a été recueilli par SMS.

Mais qu’adviendra-t-il de ceux qui, à la différence de Mariam et Bakaye, n’ont pas pu quitter le village en convoi militaire pour accompagner leurs proches à l’hôpital ?

« Les enfants ne sortent plus s’amuser, on n’ose pas faire paître le bétail, ni aller puiser de l’eau au puits, ni chercher du bois », dit la même habitante restée sur place. « Si on sort, on est mort. Ce village ne nous appartient plus ».

La pauvreté pousse les habitants du nord du Nigeria vers la mégalopole du Sud

Mustapha Abdullahi avait à peine douze ans lorsqu’il a quitté le nord du Nigeria « pour trouver de l’argent » dans la grande mégalopole et capitale économique du Nigeria, Lagos, à plus de 1.000 kilomètres de chez lui.

Il a aujourd’hui 40 ans, une femme et trois enfants, et jusqu’au début du mois de février, il sillonnait encore les rues de la tentaculaire Lagos avec son okada, taxi-moto, et envoyait une partie de son maigre salaire à sa famille restée dans le Nord.

« Mais à cause de l’interdiction de conduire les okadas, j’ai dû partir vers Agege (dans la banlieue éloignée de Lagos) », regrette-t-il.

Les autorités de l’Etat de Lagos ont récemment interdit du jour au lendemain les centaines de milliers de taxi-motos et « kekes » (tricyles à moteur), emplois presque exclusivement pratiqués par des Haoussas-Fulanis, les groupes ethniques originaires du Nord.

La raison officielle invoquée était de « garantir la sécurité des Lagossiens » et le respect du code de la route.

Mais beaucoup d’hommes politiques locaux ont fait savoir, sur Twitter ou dans les journaux, que cette interdiction permettrait aussi de stopper la migration « massive » de migrants du nord du pays vers le sud, plus riche et plus dynamique économiquement.

Selon un récent rapport de la Banque mondiale, sur 190 millions d’habitants, le Nigeria en compte 87 millions sous le seuil de l’extrême pauvreté, dont l’immense majorité (près de 90%) vivent dans le nord du pays.

« Aucun leader dans le nord du Nigeria ne peut s’estimer heureux. Personne ne peut se réjouir d’avoir 87% de la pauvreté du pays dans le Nord et des millions et des millions d’enfants qui ne vont pas à l’école », a déclaré l’émir de Kano, Muhammad Sanusi II, l’une des plus grandes figures traditionnelles du pays.

– « Manchester » nigérian –

La division culturelle et économique entre le Nord musulman et le Sud chrétien du géant de l’Afrique de l’Ouest est héritée de l’époque coloniale, lorsque la Couronne britannique a unifié deux territoires radicalement opposés, en 1914 pour constituer le « Nigeria ».

La principale richesse du pays, le pétrole, se situe au large du Sud côtier, laissant au Nord l’élevage, la route commerciale sahélienne et l’industrialisation.

Dans les années 1980, la cité millénaire de Kano était surnommée la « Manchester du Nigeria », avec plus de 500 usines textiles ou d’assemblage de voitures.

Mais aujourd’hui, bien que les dirigeants du pays aient été historiquement plus souvent originaires du Nord, la pression démographique dans un Nord où est pratiquée la polygamie et au taux de natalité très élevé, le manque d’éducation, les conflits et les effets du changement climatique sur les cultures ont entraîné cette région dans la spirale du sous-développement.

« Le Nord est très en-dessous dans tous les classements de développement humain par rapport au sud », indique la Banque mondiale.

Le président Muhammadu Buhari, fils de l’Etat nordiste de Katsina, avait promis de mettre fin au conflit de Boko Haram.

Mais cinq ans après son arrivée au pouvoir, près de deux millions de déplacés ne peuvent toujours pas regagner leur foyer et l’insécurité grandissante (conflit entre éleveurs et agriculteurs, ou l’émergence de bandes armées qui terrorisent les populations), ont provoqué le déplacement de millions d’autres personnes.

D’autre part, le secteur industriel s’est totalement effondré à cause du manque d’énergie, laissant des centaines de milliers de personnes sans emploi.

– Débrouille –

Il n’existe aucune donnée récente sur les migrations internes au Nigeria, mais la Commission nationale de la Population (NPC), dans une étude de 2010 indique que 23% de la population nigériane est « migrante » et que plus de 40% de la population de l’Etat de Lagos est originaire d’un autre Etat.

Des tendances sans aucun doute amplifiées par la récession économique de 2016-2017 et le ralentissement économique du Nigeria ces dernières années.

« Tous les Etats à grande attractivité migratoire se situent dans la partie Sud du pays, à l’exception de Kwara et Kogi, dans le centre-Nord », note l’Organisation internationale des migrations (OIM).

« Et 60% des migrants internes se situent dans les zones urbaines », avec des « conséquences évidentes, socio-économiques et sur les infrastructures », selon l’OIM.

La mégapole de Lagos a l’une des pressions démographiques les plus fortes au monde, et bien que les chiffres soient invérifiables, sa population aurait doublé en 10 ans, passant de 10 à 20 millions d’habitants, selon World Population Review.

Awwalu Usman, cordonnier de 32 ans, passe la moitié de l’année à Lagos. Il aide aux cultures dans sa ferme à Kano et « part juste après les récoltes ».

« On va à Lagos parce qu’il y a beaucoup plus d’opportunités économiques », explique-t-il à l’AFP. Grâce aux chaussures qu’il fabrique et qu’il y vend, il a pu faire construire une maison à sa famille.

« Il n’y a pas de travail ici. Ce n’est pas parce qu’il y a une interdiction de conduire les taxi-motos que les nordistes vont rentrer », conclut le cordonnier.

Ogossagou, Mali, 14 février 2020: anatomie d’un massacre

Le 23 mars 2019, plus de 160 civils peuls étaient massacrés à l’aube dans un petit village du centre du Mali. Moins d’un an après, les hommes armés et l’horreur sont revenus à Ogossagou.

Huit témoignages recueillis par l’AFP retracent comment une trentaine de villageois y ont été assassinés le 14 février, nouvelles victimes du tourbillon de violences à caractère autant communautaire que jihadiste qui ensanglante la région.

Ogossagou est inaccessible à un journaliste étranger sans une escorte militaire exceptionnelle. Mais le récit des témoins retrace l’angoisse qui étreint le village quand la garnison établie après le carnage de mars 2019 quitte la place sans prévenir, la terreur et la fuite éperdue pendant l’attaque, et l’accablement après.

Quand la quarantaine de soldats plie bagages le 13 février le pressentiment de l’inéluctable s’empare des villageois.

C’est comme si des frères étaient partis, dit Bakaye Ousmane Barry, 46 ans, habitant d’Ogossagou présent ce jour-là.

Pour expliquer ce départ précipité après des mois de présence ininterrompue, le gouverneur de la région, Abdoulaye Cissé, invoque le repositionnement en cours de l’armée sur le territoire malien, après une succession d’opérations jihadistes meurtrières.

– Pendu au téléphone –

« On a vu que la situation ne s’améliorait pas (au niveau national), on a voulu changer de posture. Les forces étaient sur place, statiques, dans (des) emprises mal faites », dit le plus haut représentant de l’Etat dans la région. « On n’a même pas supprimé (la garnison), on était en regroupement. C’est pendant ce temps-là qu’il y a eu ce drame qu’Ogossagou vient de connaître pour une deuxième fois ».

Les soldats laissent à lui-même ce petit village, composé d’un quartier dogon et d’un quartier peul, l’un des derniers à des kilomètres à la ronde où vivent encore des Peuls. Alentour, des dizaines d’autres villages peuls se sont vidés à la suite d’attaques.

La crise en cours au Mali depuis 2012 a vu l’émergence dans le centre d’un groupe jihadiste autour du prédicateur peul Amadou Kouffa en 2015, recrutant prioritairement parmi des Peuls, traditionnellement éleveurs.

Les affrontements se multiplient alors entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon, pratiquant essentiellement l’agriculture, qui ont créé des groupes d’autodéfense se sont constitués, comme la milice pro-dogon Dan Na Ambassagou.

Tous sont musulmans, mais les violences ont progressivement pris une dimension communautaire accentuée.

Il est 18H00 quand les soldats partent en hâte. Onze heures avant l’attaque, la psychose s’empare du village.

« A partir de ce moment jusqu’à l’aube, j’ai reçu des dizaines d’appels », raconte un notable d’Ogossagou dans la capitale régionale Mopti, où il a fui il y a cinq mois. Il a perdu sept frères et son père l’an passé. « On savait qu’au moment où on ne serait plus protégé, on se ferait encore attaquer ».

S’exprimant sous le couvert de l’anonymat comme d’autres pour des raisons de sécurité, il dit avoir alerté six autorités différentes: militaires, administratives, onusiennes. En vain. Un rapport interne de la Mission de l’ONU (Minusma) confirme qu’elle a été alertée la veille des faits que des hommes armés « ont été vus en train de se regrouper autour » d’Ogossagou.

– Aurore spectrale –

Selon tous les habitants interrogés, ce sont des chasseurs dogons, la communauté déjà accusée en 2019. Comme à l’époque, aucune preuve ne vient corroborer cette mise en cause. La milice Dan Na Ambassagou, officiellement dissoute au lendemain du premier massacre d’Ogossagou, a démenti être derrière cette nouvelle attaque.

La nuit tombe. « Impossible de préparer le dîner. Pourquoi préparer des repas quand on sait qu’on va être attaqué », dit Mariam Belko Barry, 67 ans, aujourd’hui réfugiée à Mopti.

En 2019, les assaillants avaient attaqué juste avant l’aube. Alors, ce soir-là, elle tente de conjurer la peur de la nuit: « Il faut que le soleil vienne et cela ira mieux ».

Un détachement de Casques bleus arrive peu avant 02H00, dit le porte-parole de la Minusma Olivier Salgado. C’est plus de six heures après que la Minusma a été alertée. La cinquantaine de soldats ne trouve « aucun signe de menace » et continue la patrouille vers les villages voisins.

Dans Ogossagou,les habitants ne trouvent pas le sommeil.

A 05H00, l’imam appelle à la prière de l’aube. L’éleveur Bakaye se dirige vers la mosquée, prie et s’en remet à Dieu.

Un premier coup de feu retentit.

– Deux heures meurtrières –

Bakaye est saisi d’effroi. Chez elle, Mariam Barry entend les mêmes détonations. Tout s’accélère. Elle se rue dans la maison en banco de l’ancien marabout, tué l’an passé, car « c’est plus sécurisé que la mienne en paille ». Puis, avec son mari Aliou et beaucoup de voisins, elle s’enfuit en brousse.

Mariam, vieille femme qui marche le dos courbé, court « encore et encore ». Elle perd de vue son mari. Il est touché de trois balles: au genou, à la hanche et au pied. Il survivra. Elle continue à courir.

Bakaye est sorti de la mosquée et détale. « Tout le monde fuit ». Les tirs sont rapprochés; ce sont des armes automatiques.

A distance, le notable continue d’appeler le village et les autorités. On lui répond qu’un détachement est en route. Il faut attendre.

Deux heures se passent au bruit des balles. De la fumée noire s’élève du village, relatent ceux qui sont cachés dans les broussailles. Des maisons et des greniers sont brûlés.

A huit heures arrivent quatre véhicules de l’armée et trois de l’ONU. Ils arrêtent un homme armé; les autres sont déjà partis.

– Sortir, et mourir –

Bakaye sort des hautes herbes et retourne au village. « Je cherche mes proches, je les appelle, je ne sais pas où ils sont ».

Les habitants reviennent un à un. Les soldats partent avec les hommes ratisser les environs. Les corps, certains calcinés, s’amoncellent. Six, puis douze, vingt-et-un… Le soir, Bamako annonce 31 civils tués.

Les témoins évoquent une dizaine de disparus. Un frère de Bakaye manque à l’appel. « J’espère qu’il est encore en brousse à se cacher ». La probabilité s’en amenuise chaque jour.

Tous disent ne plus vouloir retourner à Ogossagou. « Jusqu’à la mort, jamais. Si l’armée repart, on se refera attaquer », dit Mariam. La confiance dans l’armée est rompue, dit une autre habitante toujours sur place. Son témoignage a été recueilli par SMS.

Mais qu’adviendra-t-il de ceux qui, à la différence de Mariam et Bakaye, n’ont pas pu quitter le village en convoi militaire pour accompagner leurs proches à l’hôpital ?

« Les enfants ne sortent plus s’amuser, on n’ose pas faire paître le bétail, ni aller puiser de l’eau au puits, ni chercher du bois », dit la même habitante restée sur place. « Si on sort, on est mort. Ce village ne nous appartient plus ».

Malgré ses dépenses record, douche froide pour Bloomberg dans les primaires démocrates

Ses centaines de millions de dollars investis dans une intense campagne publicitaire n’y ont rien fait: Michael Bloomberg a essuyé mardi une sévère déconvenue lors de son premier test électoral dans les primaires démocrates, qui met en doute son maintien dans la course à la Maison Blanche.

Rien dans les déclarations de l’ancien maire de New York, ni de son entourage, ne permettait dans la nuit d’écarter l’hypothèse d’un prochain retrait.

Son équipe comptait même « ré-évaluer sa candidature » mercredi, selon des médias américains, au lendemain d’un « Super Tuesday » qui a vu 14 Etats voter dans les primaires pour désigner le démocrate qui affrontera Donald Trump en novembre.

Au milieu de la nuit, le multi-milliardaire de 78 ans n’était arrivé en tête que dans le petit territoire des îles Samoa américaines et n’avait décroché qu’une dizaine de délégués, sur les 1.991 nécessaires pour décrocher l’investiture démocrate en juillet.

Un revers cuisant pour celui qui faisait attendre une entrée en lice en fanfare grâce au montant record dépensé: déjà plus d’un demi-milliard de dollars pris sur sa fortune personnelle pour ses spots publicitaires, sans compter toute l’infrastructure de sa campagne.

Dès le début de soirée, M. Bloomberg, l’une des plus grandes fortunes du monde, avait minimisé les mauvais résultats à venir devant plusieurs centaines de partisans réunis à West Palm Beach, en Floride.

« Peu importe le nombre de délégués que nous gagnerons ce soir, nous avons déjà accompli quelque chose que personne ne pensait possible: en trois mois, nous sommes passés de juste 1% dans les sondages à être en lice pour l’investiture démocrate pour la présidentielle », avait-il lancé.

« Mon message est simple: je me présente pour battre Donald Trump ».

Des partisans brandissaient des panneaux marqués d’un slogan en espagnol: « Nous gagnons avec Mike ».

Certains se disaient séduits par le parcours d’homme d’affaires du fondateur de l’agence Bloomberg, géante de l’information financière.

« C’est quelqu’un qui est parti de rien pour construire une entreprise qui emploie désormais 20.000 personnes », a expliqué à l’AFP Thomas Reed, un scientifique âgé de 54 ans venu le voir en Floride. Cet Etat organisera sa primaire le 17 mars.

Son meeting se déroulait non loin de la célèbre résidence du président républicain, un autre milliardaire new-yorkais qui connaît M. Bloomberg de longue date et prend un plaisir évident à l’éreinter.

« Le plus gros perdant de la soirée, et de loin, c’est Mini Mike Bloomberg », a tweeté Donald Trump en ironisant sur sa petite taille.

Michael Bloomberg a essuyé un résultat particulièrement humiliant en Virginie, où il n’est arrivé que quatrième après avoir investi des millions de dollars dans sa campagne en plus d’avoir largement dépensé en 2019 pour soutenir des démocrates lors d’élections locales.

Ces dernières années, il a aussi investi quelque 10 milliards de dollars pour faire avancer diverses causes souvent chères aux démocrates, comme la lutte contre les armes à feu et le réchauffement climatique.

– Affaibli par ses débats –

L’ancien maire avait parié sur une stratégie osée –certains disaient arrogante– dans les primaires démocrates: faire l’impasse sur les quatre premiers Etats qui ont voté en février, pour ne se présenter que lors du « Super Tuesday ».

Ses investissements avaient au départ semblé payer, le poussant jusqu’à la troisième place des sondages sans avoir affronté le verdict des urnes.

Mais une fois sorti de l’ambiance scriptée de ses publicités, Michael Bloomberg a été affaibli dès février par deux mauvaises performances lors de ses premiers débats.

Et les attaques répétées de ses adversaires ont semblé porter. Ils l’accusent d’avoir « acheté » sa place dans les primaires et lui reprochent d’avoir été républicain, puis indépendant, avant de revenir dans le giron démocrate.

C’est aussi un facteur inattendu qui a pu le faire souffrir: le retour exceptionnel de l’ancien vice-président Joe Biden dans la course.

L’ex-maire de New York avait en effet annoncé sa candidature tardivement, en novembre, parce qu’il estimait que le camp modéré n’avait pas de champion suffisamment fort pour l’emporter face aux représentants de l’aile gauche, Bernie Sanders et Elizabeth Warren.

Or l’ancien bras droit de Barack Obama a surpris en remportant une large victoire en Caroline du Sud samedi, qui a convaincu d’autres candidats centristes de se rallier derrière lui, imposant Joe Biden, et non Michael Bloomberg, en grand candidat modéré juste avant l’avalanche de scrutins du « Super Tuesday ».