Les autorités burkinabè, à défaut de redonner vie au G5 Sahel, sont condamnées à nouer une alliance stratégique avec le Mali pour pacifier la partie Nord de leur pays.À l’instar de son prédécesseur, le 3 septembre dernier, le capitaine Ibrahim Traoré a réservé sa première visite à l’étranger, mercredi 2 novembre, au Mali voisin. Le président de la transition burkinabè a été, à cet effet, reçu par son homologue malien, le colonel Assimi Goïta, au pouvoir depuis le 24 mai 2021, suite à l’éviction du colonel-major Bah N’dao et de son Premier ministre Moctar Ouane.
Au terme de sa rencontre avec le chef de la junte malienne, le capitaine de 34 ans a déclaré avoir échangé avec son hôte « sur comment renforcer la coopération militaire et comment protéger les populations ». Parce que « le plus important » pour le capitaine Traoré, « c’est le défi sécuritaire » auquel font face leurs deux États partageant « une large frontière de 1200 kilomètres » dans le « Liptako-Gourma ».
« La zone des trois frontières ou le Liptako-Gourma est partagée entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Elle s’étend sur 370.000 km2. Au Burkina, le Liptako-Gourma couvre 19 provinces », explique le Burkinabè Wendpouiré Charles Sawadogo, observateur des mouvements jihadistes sahéliens.
Dans le pays des Hommes intègres, la région du Sahel, qui comprend quatre provinces, est la plus affectée par les activités des groupes jihadistes. « D’ailleurs, la première attaque terroriste sur le sol burkinabè, en 2015, a été commise dans cette zone », rappelle M. Sawadago, soulignant qu’ « à partir de cette attaque, la région du Sahel regroupant l’Oudalan, le Séno, le Soum et le Yagha a été complètement déstabilisée pour ensuite contaminer le Centre-Nord et l’Est
du pays ».
Du 1er juin 2017 au 15 avril 2021, la branche sahélienne de l’État islamique a revendiqué 62 attaques au Burkina contre 59 au Mali et 24 au Niger. Le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (Gsim), affilié à Al Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi), y est aussi actif. Présent essentiellement dans la région du Sahel, ce groupe jihadiste est responsable des attaques meurtrières contre les forces de sécurité burkinabè et assiègent plusieurs villes, dont la plus en vue ces dernières semaines est Djibo, à moins de 100 kilomètres de la frontière malienne.
Pour Ouagadougou, il est donc important « d’être solidaires et de rester unis dans cette lutte ». C’est un impératif pour les nouvelles autorités burkinabè dans un contexte de retrait du Mali du G5 Sahel. En effet, Bamako a annoncé en mai dernier son départ de cette organisation et de sa force conjointe pour protester contre le refus qui lui est opposé d’assurer la présidence de cette alliance régionale anti-jihadiste créée en 2014 avec le Burkina, le Tchad, le Niger et la Mauritanie. Le 14 juin, une note confidentielle fuitée du chef d’État-major des armées maliennes annonce le désengagement de ses 1400 militaires en service au poste de commandement à Bamako, au fuseau Ouest (à Néma, en Mauritanie) et au fuseau Centre (à Niamey), à partir du 30 juin.
Par conséquent, faute d’inviter le Mali à « assumer ses responsabilités et jouer son rôle » au sein du G5 Sahel, comme le réclamait le ministre nigérien de la Défense, au sortir d’une audience avec le lieutenant-colonel Damiba, les nouvelles autorités burkinabè tableraient sur une nouvelle alliance à l’image de ce qui se fait avec Niamey.
Depuis le 10 juin 2021, le Burkina et le Niger mènent une opération conjointe appelée « Tanli » (cohésion, en langue gullamanchema parlée dans l’Est du Burkina). L’objectif est de sécuriser la bande-frontière entre les deux pays. Selon Ouagadougou et Niamey, cela passe nécessairement par la neutralisation des partisans des groupes jihadistes d’un côté comme de l’autre de leurs frontières communes.
À l’issue de la phase 3 de cette opération, une centaine de jihadistes auraient été tués et une quarantaine de suspects interpellés. Mais d’après Wendpouiré Ch. Sawadogo, ces « succès sont minces puisque le Mali n’est pas partie prenante de l’opération ». Or, pour cet observateur des mouvements jihadistes, « le Burkina ne pourra jamais pacifier son septentrion sans la sécurisation de la zone des trois frontières » dont « la vulnérabilité est aussi la conséquence d’une absence de prise en considération des besoins basiques des populations ».