De plus en plus, des pays africains ont recours à l’expertise de Kigali pour faire face à une crise sécuritaire.En matière de règlement des conflits sur le continent noir, le Rwanda suscite la curiosité. Tout le monde ou presque se rue vers le pays des mille collines. Y compris le Bénin, pays côtier de l’Afrique de l’Ouest harcelé régulièrement par des groupes jihadistes dans son septentrion et qui cherche des solutions africaines.
Selon l’hebdomadaire « Africa Intelligence », Cotonou et Kigali auraient trouvé un accord pour le déploiement, en octobre, de forces rwandaises dans le Nord du Bénin. La décision, ajoute l’hebdomadaire, doit être officialisée fin septembre. Pour sa part, le Bénin confirme que des discussions sont en cours avec les autorités rwandaises, mais précise que l’accord en vue s’inscrit uniquement dans le cadre d’un soutien logistique et n’inclut pas un envoi de troupes.
Quel que soit le contenu dudit accord, c’est un exemple supplémentaire de la volonté du Rwanda d’étendre ses activités sur le continent africain en dehors des opérations multinationales.
Avec ses 12 millions d’habitants, ce petit pays de l’Afrique de l’Est s’est montré résilient après le génocide en 1994 ayant emporté environ un million de personnes dont la majorité est issue de l’ethnie tutsie et a (re) construit une armée professionnelle à partir de l’ossature de l’armée patriotique rwandaise (APF), bras armé du Front Patriotique Rwandais (FPR), sous la direction de l’actuel président, Paul Kagamé.
Des forces rwandaises participent, depuis 2005, aux missions de maintien de la paix des Nations Unies. À ce jour, 6000 soldats rwandais auraient été envoyés dans des opérations multilatérales notamment au Mali et au Darfour.
« Le Rwanda est le 5e contributeur aux missions des Nations Unies dans le monde et le deuxième contributeur continental derrière l’Éthiopie », rappelle le chercheur italien, Federico Donelli, dans une étude pour l’Institut français des relations internationales (Ifri) intitulée « Diplomatie militaire du Rwanda : Utilisation politique par Kigali des moyens militaires pour accroître son prestige et son influence en Afrique et au-delà ».
Le Rwanda à la rescousse des pays africains
C’est mi-2020 que « l’approche de Kigali en matière de déploiement de ses forces de défense et de gestion de conflits a montré des signes significatifs de changement », indique M. Donelli.
La stratégie a été testée en République centrafricaine où Faustin Archange Touadéra, élu président en 2016, a pu compter sur les forces rwandaises et la compagnie privée russe controversée Wagner pour arrêter l’avancée des troupes de l’ancien président déchu, François Bozizé, et reconquérir de grandes villes comme Bambari. D’ailleurs, depuis février dernier, c’est la Rwandaise Valentine Rugwabiza qui est la représentante du Secrétaire Général de l’Organisation des nations unies (Onu) en RCA. Elle a remplacé à ce poste le Sénégalais Mankeur Ndiaye.
Avec le succès de cette « phase pilote », Kigali se convainc de l’efficacité de sa solution qu’il exporte désormais. « Le Rwanda, déjà engagé au Mozambique contre un groupe affilié à l’État islamique, a démontré ses capacités militaires dans la lutte anti-terroriste. Les soldats composant son armée apparaissent sur ce théâtre comme une troupe disciplinée, entraînée et disposant de matériels modernes », analyse, dans un entretien avec APA, Amanar Advisor, un cabinet d’intelligence stratégique et de veille sur le Sahel basé à Strasbourg, en France.
En moins d’une année, les militaires rwandais ont repris des villes du nord mozambicain qui étaient sous le joug du groupe « Ahlu sunna wal jama’a » (les partisans de la tradition prophétique, en arabe) dont les membres, communément appelés « Shebabs », n’ont rien à voir avec leurs homonymes de la Somalie affiliés à Al Qaïda.
Sous le charme, le Mali, confronté lui aussi à une insurrection jihadiste depuis 2012, s’est rapproché du Rwanda. Objectif : renforcer les capacités de son armée pour une meilleure efficacité dans la défense de son territoire.
Ce faisant, « le Rwanda aspire à promouvoir sa solution militaire aux problèmes de sécurité comme alternative à l’architecture promue par les organisations régionales », soutient Donelli.
Pour quels dividendes ?
Dans le cas du Bénin, le Cabinet Amanar Advisor estime que « le Rwanda veut incarner la solution africaine pérenne de gestion des crises et reléguer les dispositifs de type G5 Sahel au rang de gadget inutile et coûteux ».
Le pays de Kagamé, « par ce déploiement, se positionne également comme un partenaire majeur de la France dont le soutien au Bénin est stratégique, notamment pour sécuriser la logistique de l’après Barkhane », poursuit cette structure de conseils stratégiques sur le Sahel.
Amanar Advisor est persuadé que « le Rwanda, en plein essor économique, entend étendre sa zone d’influence et asseoir sa position de leader régional. En outre, le président Paul Kagamé gagne en stature en incarnant le renouveau de la classe dirigeante africaine à travers un changement majeur de vision et d’énergie déployée dans ce dessein ».
In fine, d’après ce cabinet, « Paul Kagamé veut placer le Rwanda parmi les pays les plus riches d’Afrique ». Et cela passera aussi par l’implantation du secteur privé rwandais dans les États en proie à une crise sécuritaire.