L’évêque de Dolisie, en République du Congo, explique les difficultés que rencontre l’Eglise catholique dans le pays, entre autres face à l’expansion des sectes chrétiennes et de l’islam. L’œuvre d’entraide catholique Aide à l’Eglise en détresse (AED) a publié son témoignage le 24 avril 2018.
Syncrétisme, expansion des sectes chrétiennes et de l’islam sont autant de difficultés auxquelles fait face Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou, évêque d’un diocèse créé en 2013, au sud du pays. Des difficultés auxquelles s’ajoutent des conditions de vie difficiles pour les Congolais dont le pays traverse une crise sociale et économique, explique l’évêque qui est aussi en charge des séminaires. Il déplore par ailleurs une baisse de 20% de catholiques entre 1995 et 2005.
Comment va votre diocèse, le dernier-né?
Nous avons appris à marcher mais ne savons pas encore distinguer notre droite de notre gauche! Il reste de nombreux défis : le syncrétisme, les sectes protestantes, l’islam même… mais d’abord, les maladies. Ici, on n’a pas d’eau potable. Beaucoup d’adultes meurent en buvant une eau souillée.
La situation économique n’arrange rien
Depuis la chute du prix du baril, la pauvreté grandit, on enterre des centaines de morts presque tous les jours car la situation s’est beaucoup dégradée. Le Congolais est un pauvre qui vit dans un pays riche, dont le sous-sol regorge de pétrole, mais les richesses sont partagées entre une poignée de puissants. La crise sociale corse la situation: les hôpitaux publics sont en grève depuis des mois car l’Etat ne donne plus de subventions pour financer les médicaments de base.
Si un prêtre tombe gravement malade, il n’est pas soigné?
Seuls les diocèses de Brazzaville et Pointe-Noire peuvent payer une assurance à leurs prêtres. Les autres se débrouillent. Dans mon diocèse, mes prêtres cherchent d’abord à manger correctement. Si un prêtre a un gros pépin de santé, je ne sais pas ce qu’on fera.
L’un d’eux a justement été attaqué il y a quelques mois.
Oui, à cause du syncrétisme. Au moment des élections municipales de 2017, un député en lice a fait sortir un fétiche dans les rues la nuit, afin de s’attirer les bonnes grâces d’un dieu animiste et s’assurer la victoire. Deux semaines plus tard, pour la Fête-Dieu, le prêtre a organisé une procession du Saint-Sacrement dans le même quartier. Comme le député a perdu les élections, il a accusé le dieu du prêtre d’avoir annihilé la puissance de son dieu fétiche. Le prêtre a été violemment battu.
Comment évangéliser en profondeur?
En sortant de mon évêché! Au début, même les autres évêques se demandaient ce que je fabriquais. Je vais sur la place du marché et, pendant sept jours, avec un laïc et une religieuse, nous prêchons, expliquons les sacrements, etc. Nous nous appuyons aussi sur notre radio catholique locale, très écoutée, et organisons en mai une grande procession mariale, qui a réuni 300 personnes en 2015 et 8100 en 2017!
Vous haranguez, comme les Eglises du réveil, ces sectes évangéliques très répandues?
Nous avons un côté folklore, oui, mais nous nous appuyons aussi sur l’adoration. Pendant la campagne d’évangélisation, le premier jour, je danse avec les gens et dès le deuxième jour, je leur cite Matthieu 6-6: “Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le secret; et ton Père te le rendra”.
Cela suffit-il à tenir en respect ces Eglises du réveil?
Non. D’ailleurs, l’Eglise catholique, bien qu’encore très écoutée, n’est plus LA référence. Entre 1995 et 2005, on est passé de 60% de catholiques à 40%. On s’est senti essoré. Il y a eu comme une saignée.
Pourquoi cette “saignée”?
L’homme politique a pointé l’Eglise catholique comme la seule institution en mesure de lui faire de l’ombre. Il voulait l’affaiblir en alimentant financièrement les Eglises du réveil et en leur créant une fédération. Il a cloué l’Eglise catholique au pilori. Il était temps que je sorte dans la rue!
La situation s’est-elle améliorée?
Oui, certains reviennent chez les catholiques mais d’autres menaces perdurent ou apparaissent: la franc maçonnerie – une vraie calamité – et aussi l’islam. Face à la pauvreté du pays, l’islam et son argent séduisent les jeunes. Jusque dans les rangs de mes servants de messe!
Avez-vous un exemple?
Alain. Il était enfant de chœur et avait disparu du jour au lendemain, ne donnant aucun signe de vie pendant deux ans… quand un paroissien le retrouve en train de faire ses ablutions dans une boutique. Il porte une grande barbe. Je lui demande depuis quand il est musulman. Il répond: “Père, quand j’étais votre servant, m’avez-vous donné un boulot? Avec l’islam, j’ai eu une bourse, une femme et ma boutique.” On l’avait envoyé étudier le Coran à l’étranger. En contrepartie, il obtenait une situation. Aujourd’hui, il est en charge de recruter d’autres jeunes! Cette histoire m’a vraiment bouleversé.
Comment l’islam a-t-il obtenu cette visibilité?
Alors que les musulmans étaient surtout perçus comme des étrangers d’Afrique de l’Ouest, ils ont épousé des femmes congolaises qui, avec le mariage, sont devenues musulmanes mais restées congolaises! Certains musulmans arrivent aussi au milieu de nulle part et construisent une mosquée vide… en prévision du retour des jeunes boursiers, partis étudier en Arabie Saoudite par exemple.
Et dans votre diocèse?
Il y a au moins trois mosquées récentes… et un certain nombre de futurs djihadistes.