Nizar Baraka, ministre marocain de l’Équipement et de l’Eau, dans une interview avec APA en marge du Forum mondial de l’eau au Sénégal, a magnifié la dynamique impulsée par Sa Majesté le Roi Hassan II et renforcée par le Souverain Mohammed VI.Le Forum mondial de l’eau, accueilli par le Sénégal, tire à sa fin. Quel bilan faites-vous de la participation du Maroc ?
Tout d’abord, nous adressons nos vives félicitations au président Macky Sall, un grand ami de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, et à tout le peuple sénégalais frère pour la réussite de l’organisation de cet évènement de grande envergure. Nous sommes très heureux de voir un autre pays africain, 25 ans après le Maroc, organiser le Forum mondial de l’eau.
Conformément aux orientations royales, nous sommes venus au Sénégal avec une très forte délégation. Nous avons, lors de la cérémonie d’ouverture, remis le Grand Prix Mondial Hassan II de l’eau à l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Le Souverain a tenu à multiplier par cinq la récompense financière. Elle est passée de 100.000 à 500.000 dollars.
Nous avons mis en exergue une organisation africaine qui peut servir de modèle à d’autres pays pour que l’eau soit source de paix, de prospérité pour les territoires et les peuples concernés.
En outre, nous avons contribué à l’élaboration du Plan d’actions de Dakar au niveau du segment ministériel présidé par mon ami et frère, le ministre Serigne Mbaye Thiam du Sénégal. Dans ce cadre, nous avons pris part aux différentes rencontres programmées.
Le Maroc assure la Présidence du Réseau international des organismes de bassins (Riob) jusqu’en 2024. Au cours de notre Assemblée Générale statutaire lors de ce forum, la France a été retenue pour prendre la relève.
Notre pays était représenté à moult rencontres pour partager son expérience et s’inspirer des initiatives qui pourraient nous être utiles. On se prépare pour le Sommet de l’Eau prévu l’année prochaine à New-York (États-Unis).
La Déclaration, qui sera adoptée à l’issue du Forum mondial de l’eau au Sénégal, doit contenir des recommandations fortes. C’est le sens des nombreuses discussions tenues ici.
Cet évènement est propice aux rencontres bilatérales. Nous avons ainsi échangé avec les ministres de l’Eau du Sénégal et de plusieurs autres pays africains, arabes et occidentaux, mais aussi avec les organismes internationaux, et les banques multilatérales qui jouent un rôle très important dans le financement des projets liés à l’eau.
Le Maroc a installé un pavillon dans le Centre des expositions de Diamniadio. Cet espace a entre autres abrité des panels de haut niveau pour un partage de connaissances entre des responsables, des universitaires marocains et africains. L’objectif est de produire des réflexions susceptibles d’être reprises dans les résolutions de ce Forum mondial de l’eau.
L’évaluation des Objectifs de Développement Durable (ODD), c’est en 2030. À quel niveau se situe actuellement le Maroc par rapport à l’eau et l’assainissement ?
Nous avons fait des pas de géant grâce à la politique menée par Sa Majesté le Roi Hassan II (Que Dieu ait son âme). Le Souverain Mohammed VI lui a donné une orientation multidimensionnelle.
Le Maroc a aujourd’hui une capacité de mobilisation de l’eau qui va dépasser les 24 milliards m3 à l’horizon 2030 grâce aux barrages érigés. En ce moment, nous avons 10 stations de dessalement de l’eau de mer, 13 d’ici 2030, pour produire de l’eau potable autrement. Nous allons compter plus de 300 petits barrages et barrages collinaires pour le monde rural.
L’accès à l’eau potable en milieu urbain est assuré à 100 % au Maroc. En milieu rural, c’est 98 %. Pour l’assainissement, nous sommes à 100 % dans les villes et 10 % dans les villages. Dans ce domaine, nous poursuivons les efforts pour atteindre, le plus tôt possible, cet Objectif de Développement Durable.
Nous avons élaboré un plan avec notamment la création de sociétés régionales multiservices (eau et assainissement) pour avoir les mêmes conditions de vie en milieu urbain et rural. Dans l’optique d’une gestion responsable, les eaux usées sont réutilisées. Les espaces verts de plusieurs villes du Maroc sont arrosés avec de l’eau traitée et non potable. Idem pour les parcours de golf à Marrakech, Rabat et Casablanca.
Nous travaillons sur la préservation des ressources souterraines. Avec la sécheresse des années 80 et le développement fulgurent de l’agriculture dans notre pays, les nappes ont été surexploitées. Pour mieux gérer ces ressources en eau, des contrats de nappes sont en cours de rédaction et des barrages collinaires ont été construites pour les réalimenter.
Le Maroc dispose d’un plan de transformation pour passer de l’irrigation au goutte à goutte dans l’agriculture. Jusque-là, 700.000 hectares de terres sont cultivés avec cette technique. En fin 2026, nous serons à un million d’hectares sur les deux millions irrigués au Maroc. À terme, le Royaume va économiser plus d’un milliard de mètres cube d’eau.
Il y a véritablement eu de l’anticipation et de la planification sur la question de l’eau et une volonté forte pour faire du liquide précieux la priorité des priorités. Au regard des conditions climatiques du Maroc, ça aurait pu être pire.
Dans certaines zones du pays, on est passé du stress hydrique (600 m3 par personne et par an) à la pénurie hydrique (300 m3 par personne et par an). Nous rencontrons de sérieux problèmes, mais nous avons des solutions appropriées. Parmi celles-ci, il y a la mise en réseau des différents bassins pour transférer l’eau des bassins les plus riches vers les plus pauvres.
Le Maroc semble avoir un réel savoir-faire à partager. Quelles sont les perspectives dans ce sens avec les pays africains ?
Nous avons eu plusieurs rendez-vous bilatéraux dans le cadre de ce Forum mondial de l’eau. Ils vont certainement déboucher sur la conclusion d’accords de coopération dans le domaine de l’eau.
Pour certains pays, nous avons déjà des partenariats. Il faut juste les consolider. Ces ententes visent essentiellement le partage de réussites, le renforcement des capacités à travers la formation et l’assistance technique.
La gouvernance constitue un axe majeur en vue d’une gestion intégrée de l’eau. Le Maroc est très actif dans le domaine de l’hydrodiplomatie par le biais notamment du Grand Prix Mondial Hassan II de l’eau qui valorise l’innovation et l’excellence en la matière.
En marge de la COP 22, ayant eu lieu en 2016 à Marrakech, le Souverain a organisé le Sommet africain de l’action lors duquel les chefs d’État du continent ont réfléchi ensemble sur les changements climatiques.
À cette occasion, deux commissions ont été créées. Une pour la région du bassin du Congo dirigée par le président Denis Sassou-Nguesso et une autre pour la région du Sahel. Trente pays au total travaillent en synergie pour une meilleure gestion de l’eau, des ressources naturelles et des forêts. Et le Maroc apporte son savoir-faire et son appui.
Il y a l’initiative triple A (Adaptation de l’Agriculture en Afrique) pensée pour une exploitation intelligente des sols, la valorisation de l’eau dans l’agriculture, l’amélioration des revenus des paysans avec une usine d’engrais produit au Maroc et dédié au continent sur instructions royales. Nous vendons à nos frères africains l’engrais au coût de production.
Les choses bougent en Afrique. Cependant, on doit faire plus. C’est pourquoi, nous accordons beaucoup d’importance à la coopération interafricaine. Par ailleurs, le continent a besoin de l’accompagnement du Fonds vert climat, des bailleurs de fonds multilatéraux, etc.
La Banque islamique de développement (Bid) a décidé d’augmenter significativement les ressources réservées à la problématique de l’eau. La Banque africaine de développement (Bad) s’inscrit dans cette dynamique. L’Union Africaine (UA) et l’Union Européenne (UE) agissent aussi dans cette direction. La mobilisation de toutes ces énergies nous permettra de faire face aux effets du changement climatique.