L’Institut de recherche des Nations unies pour le développement social (UNRISD, sigle anglais), dans son nouveau rapport, appelle à la création d’un nouveau contrat éco-social pour construire un avenir plus égalitaire.Rédactrice en chef d’un site panafricain d’informations sportives, Courani Diarra n’aurait jamais imaginé qu’elle perdrait son travail parce que « malade de la Covid-19 ». « Durant mon premier mois de Covid-19, j’étais dans un sale état. J’ai été sous oxygène pendant deux semaines, mais cela ne m’empêchait pas de me soucier du boulot. Durant toute ma convalescence, j’ai essayé de travailler, de donner des directives… En plus, je n’étais pas payée parce que j’étais… malade », se remémore-t-elle.
Malgré son abnégation et l’envie de porter ce site qui venait de naitre, « j’ai perdu mon travail alors que je ne m’y attendais pas du tout. Psychologiquement, j’avais déjà trouvé un peu inélégant le fait de ne pas être payée parce que malade, alors que je fais partie des gens qui se sont le plus protégés.
Au-delà de l’inélégance, je trouvais que c’est injuste », peste-t-elle.
Si Courani n’a pas économiquement souffert de ce licenciement, les personnes qui bénéficiaient de son assistance durant cette période d’exception ont quant à elles durement senti le changement de statut de leur bienfaiteur.
Tout comme Courani Diarra, Aïcha Dia n’a pas reçu de préavis de licenciement de l’entreprise agroalimentaire pour laquelle elle travaillait. « Quand j’ai perdu mon emploi, je suis restée des semaines sans le dire à ma famille. Chaque jour, je me levais et allais chercher du travail. Je devais de l’argent à mon école car c’était moi qui payais mes études et celle de ma petite sœur. Je devais finir ma dernière année, mais malheureusement je n’ai pas pu faire ma soutenance. J’ai épuisé toutes mes réserves mais ce n’était pas suffisant », explique-t-elle avec amertume. Aujourd’hui encore, elle cherche toujours un travail stable pour subvenir à ses besoins.
Courani Diarra et Aïcha Dia font certainement partie des quelque 120 millions de personnes victimes de l’extrême pauvreté consécutive à la Covid-19 et identifiées par le rapport sur les inégalités de l’Institut de recherche des Nations unies pour le développement social.
S’il est vrai que la pandémie a creusé les disparités entre pauvres et riches, le rapport montre que cette situation est le résultat d’un système dans lequel l’inégalité et l’injustice sont intégrées par conception. Le document associe ainsi les crises multiples et les inégalités croissantes auxquelles nous sommes confrontés aux choix politiques promus à l’époque de l’hypermondialisation néolibérale.
« Les dommages causés par la Covid-19, le VIH et les autres pandémies ne sont pas que le résultat des virus sur la santé humaine, mais ils ont aussi élargi les fissures de notre société inégalitaire », déclare la directrice exécutive de l’UNRISD, Winnie Byanyima, citée dans le rapport.
Ce dernier présente un monde en état de fracture, confronté à des crises graves, à des inégalités croissantes et à des problèmes de santé publique. Ces problématiques ne sont cependant pas une faille du système, mais une caractéristique de celui-ci, explique l’organisme onusien, précisant que l’inégalité amplifie ces différentes défaillances.
Pour inverser cette tendance, les chercheurs de l’UNRISD proposent la création d’un nouveau contrat éco-social et une approche politique fondée sur des économies alternatives, des politiques sociales transformatrices, un multilatéralisme réimaginé et des solidarités renforcées. Cette approche devrait ainsi permettre de lutter contre les inégalités, briser le cycle des crises multiples et imbriquées et œuvrer à un avenir plus égalitaire, plus juste et plus durable.