Le Premier ministre Anatole Collinet Makosso en séjour à Paris s’est exprimé entre autres sur les prochaines élections législatives et locales.
Les législatives sont prévues dans trois mois, en juillet. Mais plusieurs partis d’opposition affirment par avance qu’il y aura tricherie, notamment car il n’y aura toujours pas de cartes d’électeurs biométriques. Le Premier ministre Anatole Collinet Makosso est de passage à Paris. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier et s’exprime aussi sur les deux leaders de l’opposition qui sont en prison depuis maintenant six ans.
Vous êtes un gros exportateur de pétrole, le budget 2022 de votre pays a été établi sur la base d’un baril à 50 dollars, mais maintenant qu’il est à 100 dollars, qu’est-ce que vous allez faire de ces recettes supplémentaires ?
Cela a déjà été prévu dans le cadre du programme que nous avons conclu avec le Fonds Monétaire International. Comme vous le savez, nous avons bénéficié d’une facilité large de crédit et, selon le mémorandum qui a été signé en cas d’amélioration de la situation financière, la ressource excédentaire est affectée au refinancement de la dette, la restructuration de la dette, intérieure comme extérieure, et à la gestion du fonds social.
Il faut satisfaire les bailleurs de fonds, en effet, grâce auxquels vous avez obtenu 450 millions de dollars de facilités au mois de janvier dernier, mais il y a un gros front social, il y a trois ans d’arriérés de pensions pour les retraités et trois ans d’arriérés de bourses pour les étudiants.
Il y a maintenant une régularité de paiement des pensions des retraités, c’est plutôt ce qu’il faut retenir. Et les arriérés font partie de la dette, justement, au sujet de laquelle une réflexion est menée pour une régularisation ultérieure.
Une régularisation avant la fin de l’année ?
Les trois ans d’arriérés seront soldés en fonction de l’amélioration de la situation financière dans le pays.
À la suite de la visite à Brazzaville de Paul Kagame, 12 000 hectares de terres arables de votre pays vont être cédés pour 25 ans à des fermiers rwandais, mais est-ce que cela ne risque pas de léser des fermiers congolais ?
Il ne s’agit pas de céder des terres à des Rwandais, il s’agit de créer en terre congolaise une société de droit congolais qui va s’engager dans le travail agricole. Donc, lorsqu’il s’agit de créer des emplois pour accélérer la politique agricole, nous n’avons pas à avoir d’inquiétudes pour cela.
Les législatives sont en juillet. En mars, aux concertations d’Owando, vous avez déclaré que l’amélioration du processus électoral était une quête permanente, mais vous avez renoncé aux cartes d’électeur biométriques. Pourquoi ce refus de transparence ?
Nous avons différé la mise en œuvre de la carte d’électeur biométrique parce qu’il y a des préalables. Il faut que nous ayons consolidé et amélioré le fichier d’état civil, il faut que nous ayons achevé le recensement général de la population et de l’habitat. Ce n’est donc pas que nous avons renoncé, non, c’est un processus pour améliorer et consolider la gouvernance électorale.
Oui, mais ce que dit l’opposition, c’est que, sans ces cartes d’électeur biométriques, il y aura tricherie en juillet.
L’opposition a été à la concertation et a acté le processus, donc je ne l’ai pas entendue dire qu’il y aurait tricherie.
Pas tous les partis de l’opposition…
Si, tous les partis de l’opposition.
Il n’y avait pas le Collectif de Mathias Dzon, il n’y avait pas la Fédération de Clément Mierassa …
Avez-vous la certitude qu’ils sont reconnus régulièrement dans le pays ? Les partis politiques fonctionnent chez nous en fonction de la loi sur les partis.
Et pour la présidentielle de 2026, est-ce qu’il y aura des cartes d’électeur biométriques ?
C’est l’option qui a été retenue au niveau de la concertation. Nous travaillons pour qu’à la présidentielle de 2026, nous puissions avoir amélioré davantage la gouvernance électorale, et pourquoi pas effectivement faire fonctionner les cartes biométriques.
Dans la classe politique congolaise, le Collectif de Mathias Dzon et la Fédération de Clément Mierassa demandent un dialogue national inclusif, est-ce que cela est possible dans les semaines qui viennent ?
Je peux les comprendre, lorsqu’on n’est pas capable de se faire élire pour s’exprimer dans une instance parlementaire, on ne peut que chercher des cadres informels. Si l’instance qu’ils peuvent trouver est celle du dialogue, pourquoi pas ! On aura toujours des occasions, on organisera certainement un dialogue tel qu’ils le souhaitent. Mais pour le moment, la démocratie fonctionne selon les instances formelles validées par le peuple et auxquelles participent tous les démocrates qui sont organisés au sein des partis réguliers.
Voilà six ans que les opposants Jean-Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa, qui étaient candidats à la présidentielle de 2016, sont en prison. Est-ce qu’il n’est pas temps de les libérer ?
Le juge déterminera le moment où il pourra établir la remise des peines.
C’était en septembre dernier à notre micro, vous avez dit, monsieur le Premier ministre, qu’on arrivera certainement un jour à ce qu’ils soient libérés.
Avez-vous l’impression que je me contredise ?
Alors justement, ce jour est-il arrivé ?