Le calendrier de la commission mixte, chargée de la mise en œuvre de ce désarmement prévoyait que le pasteur Ntumi devait s’adresser à ses partisans pour leur demander d’y adhérer.
Lancé officiellement le mardi 7 août à Kinkala, la préfecture du département du Pool au Congo, l’opération de ramassage des armes des ex-combattants partisans du pasteur Ntumi peine encore à se concrétiser. Le calendrier de la commission mixte, chargée de la mise en œuvre de ce désarmement prévoyait que le pasteur Ntumi devait s’adresser personnellement à ses partisans pour leur demander d’y adhérer, mais cela n’a pas pu se faire pour le moment.
Du côté du ministère de l’Intérieur on reconnaît que le ramassage des armes est « timide ». Des sources humanitaires affirment même qu’il est au point mort. Le jour de la levée du mandat d’arrêt contre le pasteur Ntumi, l’un de ses représentants, Philippe Ané, a bien appelé les ex-combattants à participer à l’opération. Mais le jour de son lancement effectif, le camp Ntumi brillait par son absence. La faute à des « malentendus » explique-t-on de part et d’autre.
Parmi les points de blocage : la sécurité du pasteur Ntumi. Il était prévu que le 12 août, il fasse sa première sortie officielle depuis la levée du mandat contre lui et se rendent à Mayama, pour rencontrer le ministère de l’Intérieur et s’adresser à ses partisans. Mais pour cela, il exige notamment que les militaires qui se trouvent toujours le long de la route qu’il doit emprunter se retirent. La méfiance règne encore. Or cette sortie publique officielle est indispensable, car les ex-combattants attendent un appel de leur chef en personne pour rendre leurs armes.
Finalement, quelques jours plus tard dans une déclaration manuscrite diffusée sur les réseaux sociaux, le pasteur dénonçait « une opération unilatérale ». Déclaration jugée « malvenue » et « tapageuse » du côté du ministère de l’Intérieur alors que des discussions entre les deux parties sont engagées depuis décembre. « Le calendrier reste valable. Dans tout processus de paix, il faut du temps pour rétablir la confiance », tempère Anthony Kwaku, coordonnateur du système des Nations unies au Congo-Brazzaville.
Dimanche soir, de part et d’autre, on assurait néanmoins que les discussions se poursuivaient pour permettre au processus de désarmement d’avancer.
Dialogue et justice
L’opposant Mathias Dzon estime quant à lui que la résolution de la crise du Pool – née de la contestation des résultats de la présidentielle de 2016 – passe avant tout par un dialogue inclusif et par la justice. Pour cet ancien ministre des Finances, la levée du mandat du Pasteur Ntumi et le ramassage d’armes ne sauraient apporter une solution durable à cette crise qui remonte en réalité à 1998.
« C’est un vieux problème et il faut le résoudre, s’y attaquer à la racine. Dans un dialogue national inclusif, nous règlerons définitivement la question du Pool. Mais ramasser les armes ne signifie rien du tout parce qu’il y a beaucoup à faire dans le Pool. Il faut crever l’abcès. Il faut régler le fond du problème. Pourquoi il y a toujours la guerre dans le Pool depuis 1998 ? Ça n’en finit pas. Mais il faut les sanctions. Ce qui garantit la sécurité dans le pays, c’est les sanctions. Les auteurs doivent être sanctionnés. On ira en justice pour que la chose soit bien comprise. Autant de morts, de déplacés, il faut bien que la justice regarde, la vraie justice, et qu’elle regarde exactement ce qui s’est passé et qui sanctionner. Si on lève les mandats, comme ça, et que personne n’est sanctionné, alors ça recommencera. »
Plan d’urgence
Mais pour un règlement durable du conflit dans le Pool, le pasteur Ntumi a réclamé de son côté dans une lettre diffusée début août un « plan d’urgence de relance économique et de développement ».
En réponse, la ministre des Affaires et de l’action humanitaire assure que c’est un objectif poursuivi par le gouvernement. L’an passé déjà le plan d’urgence pour le Pool prévoyait qu’une partie de son budget soit consacré à ce qu’on appelle le « relèvement précoce » c’est-à-dire des mesures permettant aux populations déplacées parfois depuis deux ans de reprendre une activité économique et de reconstruire leur habitat.
A l’époque, la situation sécuritaire ne le permettait pas encore. Le nouveau plan 2018, présenté en mars, prévoit lui aussi que plus de 47 millions de dollars doivent être consacrés à ce relèvement. L’aide se met en place, explique la ministre Antoinette Dinga Dzondo, à mesure que les populations déplacées reviennent et que les bailleurs étrangers annoncent des contributions financières.
États-Unis et Chine
« Les États-Unis ont déjà donné trois millions de dollars à une association française, Acted, qui est en train de préparer des activités de relèvement dans quelques villages pour environ 9 000 personnes. C’est-à-dire la réparation des points d’eau, la reprise des activités génératrices de revenus, la distribution des articles ménagers et de dollars, qui vont transiter par le Pam [Programme alimentaire mondial] », assure la ministre des Affaires sociales et de l’action humanitaire.
Outre les États-Unis, Antoinette Dinga Dzondo explique que « la Chine s’est manifestée et va aider avec le matériel pour préparer la terre ». « En ce moment c’est la saison sèche donc les populations bénéficiaires vont pouvoir préparer la terre pour pouvoir commencer à cultiver dès que les premières pluies tombent », précise-t-elle.
Selon la ministre, le budget du gouvernement de Brazzaville, voté en 2017, en pleines négociations avec le FMI et alors que le pays connait de graves difficultés financières, prévoit un milliard de francs CFA pour le relèvement précoce. Un montant qui pourrait augmenter assure la ministre, si la situation économique du pays s’améliore.