Depuis sa prise de pouvoir au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré s’est exprimé pour la première fois, réagissant aux coups de feu qui ont retenti samedi 1er octobre à Ouagadougou.Le nouveau chef de la junte militaire au Burkina Faso, capitaine Ibrahim Traoré, a accordé sa première sortie médiatique à nos confrères de VOA Afrique. Il a réagi à la confusion qui a suivi le renversement, vendredi 30 septembre, du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Ce dernier, qui n’est toujours pas arrêté, ne s’avoue pas vaincu. Des tirs ont été entendus ce matin dans la capitale où les accès de plusieurs endroits stratégiques sont bloqués par les « hommes » du capitaine Traoré.
« Ce qui se passe sur le terrain est une tentative du président Damiba d’entrainer les forces à un affrontement. Mais nous sommes en réserve depuis un certain temps. Des hélicoptères, que nous n’avons pas engagés, nous ont survolés bien que nous ayons la capacité de le faire. Il a fait rentrer quelques forces spéciales qui ne connaissent même pas, peut-être, les missions pour lesquelles elles ont été envoyées. Nous avons des éléments même à l’intérieur qui se demandent c’est quoi le problème en fait. A l’instant, je sais qu’ils sont en train d’essayer de les corrompre. Mais nous sommes en ligne avec les hommes. Nous savons tout ce qui se passe. Donc, on leur dit seulement de ne pas rentrer dans le jeu », a déclaré l’officier de 34 ans, invitant le président déchu à se rendre pour éviter un bain de sang.
« Nous allons encore essayer de donner une chance (à Damiba et les hommes qui lui sont restés fidèles). A défaut de cela, nous serons obligés de lancer un appel à beaucoup de soldats burkinabè qui vont rallier la capitale. Ce qui n’est forcément pas bien pour nous. Mais nous pouvons rassurer la population à rester sereine. Nous avons nos plans, écrit tout ce que nous voulons et défini les partenaires avec lesquels nous voulons travailler pour sortir le Burkina Faso de cette situation », a estimé le capitaine Traoré.
« Des villageois se nourrissent de feuilles d’arbres »
Réputé proche des hommes qui combattent les groupes djihadistes au Burkina, le capitaine Ibrahim Traoré précise qu’il a été « choisi » pour diriger le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR, organe dirigeant la junte) en remplacement du lieutenant-colonel Damiba. « Cela fait trois semaines que ça bouillonne » dans les casernes et sur les théâtres d’opérations à cause des « problèmes logistiques et des considérations de la valeur humaine » qui n’ont pas été satisfaits par les autorités, a-t-il justifié.
Le jeune militaire reproche notamment au lieutenant-colonel Damiba, le président de la transition déchu, de s’être transformé en politicien au lieu de travailler à fournir des armes aux soldats déployés pour combattre les djihadistes qui continuent de décimer les populations civiles d’une grande partie du pays.
« Le combat que nous menons c’est pour le Burkina Faso. Il faut aller au fin fond du pays pour comprendre certaines choses. Je patrouille dans la brousse avec mes hommes. Mais la logistique minimum ne suit pas. Vous trouvez des populations meurtries. Dans certains villages par exemple, toutes les feuilles des arbres ont disparu parce qu’elles sont mangées par les hommes. Les herbes sont mangées. On propose des solutions pour protéger ces gens mais on ne nous écoute pas », a-t-il déploré.
Le nouvel homme fort de Ouagadougou a aussi voulu rassurer la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) et les autres organisations internationales. Il jure qu’il n’est pas intéressé par le pouvoir, mais motivé par une volonté de sauver son pays contre la menace terroriste qui gagne considérablement du terrain au Burkina Faso.
« Le communiqué d’hier est assez clair en attendant les assises qui vont choisir un président (civil ou militaire). Nous ne sommes pas là pour le pouvoir. L’idée même est de descendre dès demain avec les mêmes hommes qui m’ont suivi pour faire un nettoyage. (…) Nous voulons combattre, protéger et sortir nos populations de cette misère », a indiqué le capitaine Traoré.