Les pays de l’Ouest sont décidés à barrer la route à la compagnie militaire privée russe, Wagner suspecté de se rapprocher des nouvelles autorités burkinabè.Ouagadougou fera-t-elle appel à la compagnie privée russe Wagner pour vaincre les jihadistes ? Ce n’est pas envisageable, selon la sous-secrétaire d’Etat américaine, chargée des Affaires politiques.
Au terme d’une visite effectuée au Burkina Faso le 20 octobre dernier dans le cadre d’une tournée qui l’a également menée en Mauritanie et au Niger, Victoria Nuland affirme en avoir discuté avec le capitaine Ibrahim Traoré, investi président de la transition après son coup d’Etat du 30 septembre dernier contre le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba, lui-même à l’origine du renversement du président Roch Marc Christian Kaboré, huit mois plus tôt. « Le capitaine Traoré n’a aucune intention de faire appel à Wagner », a rapporté la diplomate américaine, lors d’une conférence de presse en ligne.
A la veille de cette rencontre entre le chef de l’Etat burkinabé et l’émissaire américaine, le parlement européen avait conseillé « aux autorités burkinabè de ne pas recourir au groupe Wagner pour former leur armée ou parvenir à la stabilité », affichant leur préoccupation quant aux « activités du groupe russe dans la région du Sahel ».
Selon la résolution du parlement européen adoptée le 14 octobre et consultée par APA, « un groupe d’entreprises russes a écrit aux chefs du coup d’Etat au Burkina Faso pour proposer de former l’armée dans la lutte contre le terrorisme », rappelant que « le recours à des entreprises militaires privées telles que le groupe Wagner va à l’encontre de l’objectif d’apporter la paix, la sécurité et la stabilité au Burkina Faso et au Sahel ». Cette pression exercée par les pays de l’Ouest sur les nouvelles autorités de Ouagadougou semble bien motivée par une volonté d’éviter la reproduction du schéma malien chez son voisin du sud.
Dans un contexte de retrait de la force française Barkhane de leur pays après près d’une décennie de guerre contre les jihadistes, les militaires qui gouvernent le Mali depuis mai 2021, neuf mois après un premier coup d’Etat contre Ibrahim Boubacar Keita, ont fait recours à des « instructeurs » ou « mercenaires » russes pour inverser la tendance dans la lutte contre les insurgés islamistes affiliés à Al Qaïda ou à l’Etat islamique.
Cependant, pour la sous-secrétaire d’Etat américaine, les activités de Wagner au Mali ont contribué à détériorer la situation sécuritaire dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.
Ces mises en garde des partenaires occidentaux du Burkina Faso n’ont pas empêché le capitaine Traoré d’effectuer son premier voyage au Mali. À la fin de son séjour de quelques heures, l’officier subalterne a déclaré avoir échangé avec le Colonel Assimi Goita « sur comment renforcer la coopération militaire et comment protéger les populations » de leurs pays, notant « le plus important, c’est le défi sécuritaire » auquel font face les deux Etats qui partagent plus de 1000 kilomètres de frontières.
En revanche, pas un seul n’a été consacré à l’option Wagner qui ne manque pourtant pas de soutiens dans son pays.
Précisant que le Burkina Faso est déjà en partenariat avec la Russie depuis les années 60, le premier ministre de la transition, Me Apollinaire Jean Kyelem de Tambela a rappelé lors de sa première prise de parole, qu’il ne n’est pas question pour son pays de « se laisser dominer par un partenaire quelconque ». « Nous négocierons avec tous les partenaires en ayant en vue l’intérêt d’abord du Burkina Faso. Si nous estimons qu’un partenaire n’est pas loyal avec nous, nous attirerons son attention. S’il persiste dans son comportement, nous reverrons nos relations avec ce partenaire. Ça doit être clair pour tout le monde », avait-il clairement dit. Le 20 octobre, son patron a assuré à Victoria Nuland que « seuls les burkinabè défendront leur pays ».
Cette stratégie est matérialisée par une vaste campagne de recrutement de plus de 3000 militaires et de 50 000 Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP). Mais jusqu’à quand, d’autant plus que les attaques jihadistes qui sont à l’origine de deux coups d’Etat au Burkina Faso en moins d’un an, continuent de plus belle dans le Nord et dans l’Est du pays.