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Avec la chute de Kafranbel, la « révolution » syrienne orpheline d’un symbole

En ralliant l'opposition syrienne en 2011, la ville de Kafranbel se démarquait par l'ironie mordante des slogans et des pancartes…

En ralliant l’opposition syrienne en 2011, la ville de Kafranbel se démarquait par l’ironie mordante des slogans et des pancartes brandies contre le pouvoir de Bachar al-Assad. Avec sa reconquête par le régime, la « révolution » est orpheline d’un de ses ultimes symboles.

Les forces du régime ont repris mardi Kafranbel, progressant dans le sud de la province d’Idleb à la faveur d’une offensive meurtrière menée contre les jihadistes et les rebelles du nord-ouest syrien, avec le soutien de l’allié russe.

Kafranbel était « l’icône de la révolution, son étincelle et son luth résonnant », lâche dans un lyrisme amer Ibrahim Soueid, qui a fui la ville avec sa famille depuis dix mois à cause des violences.

Malgré son départ, le déplacé continuait de s’y rendre régulièrement. Mardi il était aux abords de la ville, jusqu’à une heure du matin, assistant impuissant à sa chute.

« Je suis parti quand j’ai été sûr qu’elle a été prise par l’ennemi », regrette l’homme de 31 ans.

« Ce fut une journée éprouvante. Après neuf ans de révolution, Kafranbel est désormais occupée », ajoute ce père de trois enfants, qui vit désormais dans le nord d’Idleb.

Il se souvient de sa première manifestation anti-pouvoir à Kafranbel, organisée en avril 2011, deux semaines après le début de la « révolution », partie du sud du pays.

A l’époque, il avait contribué à fonder un « bureau médiatique » à Kafranbel, avec un groupe de militants.

Parmi eux Raed Fares, connu pour ses pancartes et ses dessins réalisés avec humour, en anglais et en arabe, et très souvent brandis durant les manifestations. Très critique des jihadistes, le militant a été assassiné par balle en novembre 2018.

– Les débuts euphoriques –

Avec la répression dans le sang des manifestations anti-Assad par le régime, le soulèvement s’est transformé au fil des ans en conflit armé.

Kafranbel fut le théâtre d’affrontements entre l’armée et des déserteurs devenus des rebelles. La ville s’est affranchie en 2012 de l’emprise gouvernementale.

Ibrahim se souvient encore d’une vidéo qu’il avait tournée à l’époque, après la victoire des rebelles, montrant Raed Fares et d’autres militants laissant exploser leur joie.

Pendant des années, la ville s’était démarquée par la créativité et l’humour de ses habitants lors des rassemblements organisés chaque vendredi à travers le pays.

L’un des slogans les plus célèbres remonte au 14 octobre 2011, au moment où la confrontation armée prenait le pas sur la contestation pacifique.

« A bas le régime et l’opposition (…) A bas la nation arabe et musulmane, à bas le Conseil de sécurité (…) A bas le monde (…) A bas tout ».

Durant les années suivantes, ces slogans ont évolué au rythme des transformations du conflit et de ses acteurs: « Etat islamique en Irak et en Syrie: nous ne l’avons pas libérée (la Syrie, ndlr) pour que vous la gouverniez (…) Partez », en allusion à ce qui devait devenir le groupe Etat islamique.

Les slogans n’ont épargné aucune faction, y compris les jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS, ex-branche syrienne d’Al-Qaïda) dont le pouvoir s’est renforcé à partir de 2017.

HTS avait alors interdit à Radio Fresh, créée par Raed Fares, de diffuser de la musique. Ce dernier avait choisi de diffuser à la place des sons d’animaux.

– « Tout ça a pris fin » –

Kafranbel a été totalement désertée par ses 20.000 habitants, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

Damas, avec l’appui de l’aviation russe, a lancé en décembre une offensive d’envergure contre la province d’Idleb et ses environs.

Plus de 400 civils ont été tués, selon l’OSDH, et plus de 948.000 personnes ont été déplacées d’après l’ONU.

Affaibli au début du conflit, le régime a multiplié les victoires face aux jihadistes et aux rebelles ces dernières années, grâce au soutien de la Russie et de l’Iran.

Il contrôle désormais plus de 70% de la Syrie en guerre.

« Pas un seul pilier ne tient encore debout. Ma maison a sans doute été détruite », déplore le militant Bilal Bayouche, 27 ans, qui a trouvé refuge dans la ville d’Idleb après avoir fui Kafranbel.

Ce père de deux enfants se souvient qu’à chaque nouvel évènement en Syrie, « une caricature apparaissait sur les murs de Kafranbel ».

Aujourd’hui, il ne reste plus que des souvenirs.

« Nous chantions et riions pour la révolution (…) Tout ça a pris fin avec (la chute de) Kafranbel ».

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