Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères du Rwanda, s’est portée candidate à la tête de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). L’annonce de la candidature d’une très proche du président Kagamé, dont les atteintes aux droits humains et aux libertés fondamentales ont été récemment soulignées par un rapport de Reporters Sans Frontières, a entraîné l’indignation d’une partie de la gauche française, Jean-Luc Mélenchon en premier lieu. Le leader de la France Insoumise a, dans une question écrite au Quai d’Orsay, dénoncé, « le décalage entre les valeurs démocratiques, humanistes et francophone promue par l’OIF et le Rwanda ». Tour d’horizon d’une candidature contestée.
Paul Kagamé : un positionnement anglophone revendiqué
L’OIF rassemble 84 Etats francophones, majoritairement africains. Regroupant 900 millions d’habitants, soit 14 % de la population mondiale, l’OIF est chargée de promouvoir l’influence culturelle et linguistique de la France sur les cinq continents mais aussi le dialogue interculturel entre les pays, la démocratie et les droits de l’Homme. Pour une partie de la classe politique française, la candidature de Louise Mushikiwabo, soutenue par Emmanuel Macron et, récemment l’Union Africaine, est un non-sens.
D’abord, le gouvernement de Paul Kagamé a, récemment, adopté une posture très hostile à la francophonie, notamment en promouvant fortement l’anglais, devenu langue officielle du pays en 2013. Plus encore, le Rwanda a intégré le Commonwealth en 2009 et compte énormément sur la Grande-Bretagne pour accélérer son développement économique. Un positionnement politique jugé largement contraire aux valeurs francophones portées par l’OIF.
Rwanda : des atteintes aux droits de l’homme critiquées par les ONG
De même, le gouvernement de Paul Kagamé est accusé de multiplier les atteintes aux droits humains. Réélu systématiquement avec plus de 90 % des voix à chaque scrutin présidentiel, le pouvoir de Paul Kagamé est aussi régulièrement pointé du doigt par les ONG, qui dénoncent un régime dictatorial. Très récemment, Amnesty International et Reporters Sans Frontières ont publié un rapport à charge contre le Président Kagamé. En 2016, le Rwanda était classé 161ème au classement international de la liberté de la presse. Depuis 1996, 8 journalistes auraient ainsi été assassinés, 8 violemment agressés, 11 condamnés à de lourdes peines de prison et plus d’une trentaine forcés à l’exil. Emblématiques, les cas de Jean-Léonard Rugambage, assassiné alors qu’il préparait une enquête sur les services secrets rwandais, ou de Agnès Uwimana, condamnée à 17 ans de prison, avaient ému l’opinion. En octobre dernier, le sous-comité des Nations Unies en charge de la prévention contre la torture avait dû interrompre sa visite au Rwanda à cause des nombreux obstacles imposés par les autorités.
L’Afrique divisée face à la candidature de Louise Mushikiwabo
En Afrique non plus, la candidature de Louise Mushikiwabo ne fait pas l’unanimité. Le soutien de l’Union Africaine ne présage en rien de la décision finale. De même, seule une vingtaine de chefs d’Etat africains étaient présents. Un ratio insuffisant pour supposer d’un soutien général de l’Afrique à la candidature de la ministre rwandaise des Affaires Etrangères.
L’ancien Secrétaire général de la Francophonie et ancien président de la République du Sénégal, Abdou Diouf se serait d’ailleurs indigné du comportement de Louise Mushikiwabo, qui se serait prévalu de son soutien. Un soutien aussitôt rejeté par Abdou Diouf.
Soutenue par la France dans le cadre du rapprochement d’Emmanuel Macron avec Paul Kagamé, la candidature de Louise Mushikiwabo reste contestée, en France et à l’étranger. En effet, perçue comme contraire aux valeurs portées par l’OIF, la nomination de Louise Mushikiwabo risquerait d’abaisser considérablement la confiance portée dans cette institution. Un choix stratégique et profondément sensible…