Des rescapés n’ont cessé de réclamer justice après l’attaque jihadiste de mars 2016 à Grand Bassam, première du genre en Côte d’Ivoire.Le 13 mars 2016, la station balnéaire de Grand-Bassam, située à 40 Km au Sud-est d’Abidjan, a été la cible de la première attaque jihadiste enregistrée sur le sol ivoirien. Le procès de cet assaut, qui a fait plusieurs morts et blessés, contre des hôtels de ce site touristique s’ouvre mercredi 30 novembre au tribunal criminel de première instance d’Abidjan.
De nombreux témoins comme l’artiste Rose Ebirim sont attendus à l’ouverture des audiences. « La justice a fait appel à moi pour que j’apporte mon témoignage, mais je ne pense pas que j’en serai capable. Reparler de cet épisode me replonge dans de sombres souvenirs alors que je cherche à évacuer ce passé douloureux », s’angoisse Mme Ebirim.
Soif de justice
Si cette rescapée du massacre de Grand Bassam hésite de faire le déplacement devant le tribunal, c’est parce qu’elle « vit encore un choc psychologique ». Elle se dit toutefois soulagée que le procès s’ouvre enfin parce qu’« il y a plusieurs familles qui veulent savoir la vérité ».
Un peu plus de six ans après les faits, Rose Ebirim n’a rien oublié de cette matinée qui a marqué le début de l’expansion des attaques jihadistes du Sahel vers les pays du Golfe de Guinée. « Les premiers tirs ont été entendus juste derrière la Maison des artistes. Les assaillants logeaient dans une sorte de bungalow qu’on appelait le Zion, un hôtel aujourd’hui fermé par les autorités », se souvient-elle.
« Il y avait un passant qui tenait le sac en main de sa femme, qui marchait derrière lui. Quelques minutes après, nous avons entendu un cri, le monsieur venait de recevoir une balle et tombait », raconte l’artiste.
« Celui qui tirait avait une chemise bleue ciel et tenait une mitrailleuse avec une bande de munitions le long de son corps », décrit-elle. Mais, l’idée d’un acte terroriste n’effleure pas son esprit au moment de l’attaque.
Mais peu après, poursuit-elle, « ils ont tiré sur la femme du monsieur. Et de là, ils ont commencé à tirer en évoluant vers la plage ». La jeune artiste indique avoir « vu trois personnes en arme » ce 13 mars 2016, précisant que « l’attaque a débuté aux environs de 11h30 ».
Les cerveaux, aux abonnés absents
L’opération a été revendiquée par Al Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi) qui l’a attribué à sa branche Al Mourabitoune qui venait de commettre quelques semaines plus tôt, en janvier à Ouagadougou, au Burkina Faso un attentat dans lequel 30 personnes ont été tuées.
Pour cet assaut, les jihadistes ont aussi diffusé les images du commando constitué des nommés Hamza al-Fulani, Abd ar-Rahman al-Fulani et Abu Adam al-Ansari. Alors que le supposé commanditaire, Mohamed Ould Nouini, commandant au sein d’Al Mourabitoune a été éliminé par l’armée française en 2018, l’un des principaux organisateurs, Mimi Ould Baba Ould Cheikh est encore en vie, mais en détention au Mali. Fawaz Ould Ahmed dit Ibrahim 10 lui aussi impliqué dans ces attentats a été jugé en octobre dernier au Mali et condamné à mort pour avoir participé aux attaques, en 2015, du bar-restaurant La Terrasse et de l’hôtel Radisson Blu à Bamako. Faute de mettre la main sur ces gros poissons, la justice ivoirienne se contentera de juger leurs présumés complices ou encore tous ceux qui sont impliqués dans l’exécution de cet attentat.
Selon la note du procureur de la République, 18 accusés comparaitront devant le Tribunal criminel pour répondre des faits d’actes terroristes, assassinat, tentative d’assassinat, recel de malfaiteurs, détention illégale d’armes à feu et de munition de guerre et de complicité desdits faits.
Grand-Bassam, première destination touristique de Côte d’Ivoire avant cet attentat terroriste en raison de son littoral long de 14 Km, est une ville symbole, bordée par la lagune et la mer, qui accueille la communauté européenne expatriée la plus importante après Abidjan.
Place forte des arts de la culture en Côte d’Ivoire, avec ses nombreux festivals qui drainent des milliers de visiteurs, Grand-Bassam fut la première capitale de cette ancienne colonie française d’Afrique de l’Ouest.
Pour le maire de la ville, Jean-Louis Moulot, cet acte « montre le symbole qu’ont voulu attaquer les auteurs de ces crimes odieux ».
Trois établissements hôteliers ont été attaqués. Le bilan est de 33 blessés et 19 morts de diverses nationalités : neuf Ivoiriens, quatre Français, un Libanais, une Allemande, une Macédonienne, une Malienne, une Nigériane et une personne non identifiée.