Pour régénérer la spectaculaire formation des Tambours de Brazza qu’il a fondée au début des années 90, le Congolais Émile Biayenda a opté pour une double démarche dont le résultat se fait entendre sur le sixième album, Kongo: une pulsation rock et des effectifs rajeunis.
« Les Tambours de Brazza sont les enfants du fleuve, ils sonnent le flux de son courant perpétuel. Ils sont aussi les enfants du soleil, de sa caresse feu, de sa braise qui embrase Brazza », écrit Francis Lassus, le plus poète des batteurs français, en introduction du livret qui accompagne Kongo. Il ne faut pas longtemps pour que les images évoquées par ces quelques lignes prennent forme en musique : le souffle dément de Ba Kwaku Wo emporte tout sur son passage, entre ouragan et déflagration nucléaire. L’impression de puissance qui se dégage provient des tambours, bien sûr, mais aussi –et c’est nouveau – des guitares saturées et de ces distorsions hurlantes, arrangées par le Togolais Amen Viana, fils spirituel de Jimmy Hendrix (son dernier album s’appelle Electric Togoland !).
Cet afro-rock vers lequel Émile Biayenda a voulu se diriger pour ce sixième album fait écho à la fois à son goût du « renouveau » et à son appartenance à cette génération qui écoute depuis longtemps des formations comme Okwess et son emblématique patron Jupiter. « C’est l’héritage des groupes comme Mbamina, Bobongo Stars, Xalam ou Touré Kunda, avec un nouveau regard », explique-t-il. Derrière les fûts, il a renouvelé les effectifs, changé de génération. « Ces jeunes de Brazza qui rêvaient de jouer dans les Tambours sont venus avec une autre énergie, d’autres pulsations », poursuit le Congolais installé en France depuis la fin des années 90.
Kongo, orthographié comme cet ancien royaume du continent « où les gens cohabitaient sans tenir compte des origines des uns et des autres », cherche aussi à optimiser le dialogue permanent entre les deux composantes du groupe, qui lui donnent cette identité si unique : d’un côté les six percussions, de l’autre une formation « classique », avec basse, batterie et guitare.
Lors de l’enregistrement, Émile a changé de schéma, faisant intervenir les tambours en fin de processus, car cette fois le chant est nettement plus présent : voix fortes, en chorale, ou simples animations, comme sur Nsaka Soukous Tambours qui tend un pont au-dessus du canal du Mozambique, vers Madagascar. Les Tambours ont ce pouvoir naturel de résonner par-delà les frontières.