Deux ans après les attaques perpétrées par les miliciens du pasteur Ntoumi, le chef-lieu du département du Pool renaît petit à petit, même s’il existe encore, selon certains témoins, des zones inaccessibles.
Le trafic entre Brazzaville et Kinkala devient possible. Des véhicules transportant passagers et marchandises circulent normalement, grâce une ceinture de la Force publique placée dans différents endroits afin de sécuriser la population. Certains témoins ayant emprunté ce trajet pendant la crise confirment le retour progressif de la paix.
L’on se souvient qu’en octobre 2016, l’insécurité créée par les miliciens ninjas ne permettait plus aux usagers d’emprunter la route nationale N°1, reliant Brazzaville à Kinkala. La Force publique (l’armée, la police et la gendarmerie) a dû faire face, pendant un certain temps, à une situation où il a fallu procéder au déplacement de la population pour rétablir la sécurité. Ce qui justifie sa présence tout le long du trajet.
Depuis la grande avenue bitumée, l’on peut apercevoir des familles vaquer à leurs occupations. Les vendeurs de bois de chauffe, du vin de palme et autres produits du terroir sont également visibles dans certains villages où des habitants ont regagné leurs domiciles.
A Soumouna, le village où Ntoumi avait établi son quartier général, la présence des carcasses des véhicules calcinés à certains endroits, ainsi que des maisons détruites, rappelle la gravité des affrontements. L’endroit est désormais sécurisé par la Force publique comme en témoigne le drapeau national vert, jaune, rouge, flottant à la place du violet de pasteur Ntoumi.
A quelques mètres de là, un homme (octogénaire), courbé par le poids de l’âge, nous saluant à distance, s’est penché pour ramasser quelques bois de chauffe qui traînaient devant sa case à moitié détruite. Le moteur de notre autobus fonctionnant au ralenti pour se soumettre au contrôle, le vieil homme était tojours visible. A un certain moment, il s’assied et s’adosse au mur en fixant l’autocar, qui s’éloignait progressivement…
Ces quelques images tristes sont vites effacées des mémoires à l’entrée de Kinkala où règne une autre atmosphère. Restaurants, hôtels, boutiques tenues parfois par des étrangers, bars et autres lieux sont ouverts au public depuis 2017. « Le marché de Kinkala est ouvert au public depuis que les armes se sont tues », raconte une jeune femme vendeuse de poisson fumé.
Dans ce marché, même si certaines denrées deviennent rares, on y trouve un peu de tout (manioc, foufou, légumes, noix de palme, safous, piment, poisson, etc.). Comme en 2012, lors de la célébration de la fête de l’indépendance du Congo, la ville de Kinkala a connu une ambiance tout à fait particulière, le 30 mars, jour de l’arrivée de l’épouse du chef de l’Etat, Antoinette Sassou N’Guesso. On avait l’impression que tout Kinkala s’était vidé pour aller accueillir la première dame du Congo.
« Nous sommes très ravis de l’arrivée de l’épouse du chef de l’Etat à Kinkala. C’est vraiment une maman ! Elle n’a pas eu peur de venir ici. Je dois serrer sa main », s’excite un jeune garçon amaigri, la trentaine, nous confiant qu’il est ex-ninja et que la guerre ne l’intéresse plus.
Le regard fixé en direction de l’épouse du chef de l’Etat, qui prenait un bain de foule, le jeune garçon a fini par se frayer un chemin pour s’approcher d’elle, mais en vain, car les agents de sécurité ne lui ont laissé aucune chance. Il s’est tout de même débrouillé pour se retrouver dans l’enceinte de l’Eglise catholique où se déroulait la cérémonie de distribution des vivres. Il a promis de venir à Brazzaville « raconter son calvaire dans la forêt », puis « demander pardon au président de la République ».
Si Kinkala renaît, un agent du ministère des Affaires sociales et de l’action humanitaire, ainsi que certains sous-préfets parlent encore de quelques endroits inaccessibles appelés « zones rouges » comme Madzia, Mayama, Kibouéndé, Kibossi et Goma Tsé-Tsé.