Disparu à 74 ans, Jérôme Ollandet a eu droit à tous les honneurs le 21 décembre au Palais des Congrès de Brazzaville, en présence du chef de l’État congolais, Denis Sassou N’Guesso
La fin s’est écrite à Évreux, en France, en ce mois de décembre. Assurément, une grande perte pour sa famille et ses amis, mais aussi pour le monde universitaire et diplomatique congolais et d’Afrique centrale. Bien que discret, réservé et humble, et donc peu connu du grand public, Jérôme Ollandet était un acteur de tout premier plan de l’histoire et de la diplomatie du Congo. Et c’est d’ailleurs à ce titre qu’il a eu droit à tous les honneurs le 21 décembre au Palais des Congrès de Brazzaville, en présence du chef de l’État congolais, Denis Sassou N’Guesso.
Une passion pour l’histoire
Historien, juriste et diplomate, Jérôme Ollandet était tout cela à la fois. Né le 27 décembre 1943 à Oyomi, un village situé à quelque 72 kilomètres d’Owando, le chef-lieu du département de la Cuvette, il avait choisi d’étudier, après ses études secondaires, trois disciplines : l’histoire, le droit et l’enseignement. Trois passions qui nourriront sa réflexion, ses écrits et ses actions et orienteront sa carrière professionnelle tout au long de sa vie.
Après avoir passé son Capes en 1973, à l’École nationale supérieure de Brazzaville, il obtient une licence d’histoire en 1972, puis une de droit public en 1974, à l’université de Brazzaville. Cerise sur le gâteau, il décroche un doctorat d’histoire à l’université Paul-Valéry de Montpellier (France) en 1981. Son sujet « Les contacts entre Mbochi et Téké », fut l’un de ses thèmes de recherche favoris.
C’est dans l’enseignement qu’il commence sa carrière en 1973. Il sera, entre autres, proviseur du lycée Champagnat de Makoua, une ville située au nord d’Owando, dans la Cuvette, directeur des examens et concours, ainsi qu’enseignant chercheur à l’université Marien-Ngouabi. La recherche, Jérôme Ollandet l’a consacrée principalement à l’histoire du Congo, notamment à la partie nord du pays, et à la sous-région.
Mais l’historien était aussi passionné par la diplomatie. Jérôme Ollandet a assumé, de 1998 à 2001, les fonctions de secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, après avoir été ambassadeur du Congo en Guinée équatoriale, au Cameroun, au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso, au Cap-Vert, en Gambie, en Guinée-Bissau, en République centrafricaine et au Tchad. De tous les pays où il a séjourné, c’est au Cameroun, où il se rendra à plusieurs reprises, qu’il « s’est fait le plus de relations et d’amis. Il a une famille amie là-bas », insiste son fils Francis, le benjamin des sept enfants que Jérôme a eus avec son épouse Julienne Ossombi, professeure de lettres. En témoigne ce jeune Congolais sur Facebook : « Il a été pour moi un papa dont je n’oublierai jamais les bienfaits. Quand il était ambassadeur du Congo au Cameroun, j’ai vécu chez lui à Yaoundé pendant que je fréquentais le collège du Sacré Cœur de Makak, à plus de 100 kilomètres de la capitale camerounaise. J’ai tant appris de son humilité… »
Une carrière politique au service du Congo
Devenu ambassadeur itinérant en 2001, Jérôme Ollandet a suivi à ce titre plusieurs dossiers dont ceux de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs, dont « il fut l’un des pères fondateurs et dont il a assisté à la plupart des grandes conférences. Si le Congo est aujourd’hui à la tête de cette institution, c’est parce que mon père a convaincu le président d’intégrer ce mouvement. La question des Grands Lacs fut son dernier combat. Il a beaucoup fait pour que des compagnies comme Kenya Airways ou Ethiopian Airlines desservent le Congo, pour ne pas laisser la seule place à Air France, après la mort d’Air Afrique. L’échec d’Ecair l’a beaucoup contrarié », indique son fils.
Pour Jérôme Ollandet, il n’y a jamais eu de séparation entre la diplomatie et l’histoire. C’est d’ailleurs son regard d’historien qui a permis d’éclairer ses interlocuteurs sur les enjeux et défis de la région. Jacques Bouity, fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères qui a travaillé avec lui dans les années 1990, se souvient : « Jérôme Ollandet a beaucoup apporté à la diplomatie. Sa dimension d’historien lui permettait d’avoir une meilleure compréhension des relations entre les pays de la sous-région. Je l’ai souvent interrogé sur le pays mbochi. Je viens d’une région où il y a eu un royaume et lui était originaire d’une zone où a prédominé la chefferie. Je voulais comprendre comment fonctionnait cette dernière. C’était par ailleurs un homme bienveillant et à l’écoute de ses collaborateurs dont il prenait en compte les difficultés tout en étant exigeant sur le travail. »
C’est cette même dimension d’historien qui amenait le diplomate à recentrer les débats. Et à contester certains découpages historiques. À propos du bilan des vingt dernières années de la présidence de Denis Sassou N’Guesso (1997-2017), une périodicité plus politique qu’historique à son goût, il nous disait en juillet dernier : « Pour comprendre la situation actuelle du Congo, il faut remonter au début des années 1990. Après la conférence nationale souveraine de 1991, qui avait amorcé un débat de fond, nous aurions dû entrer dans un nouveau cycle. Il n’en a rien été. Nous sommes passés au multipartisme, avec des dizaines de partis, mais on a gardé le mode d’organisation pyramidale dans les partis et les mêmes réflexes hérités de l’expérience monopartite et marxiste. Ce cycle n’en finit pas de finir. Il faut en sortir pour aller de l’avant. »