Les jihadistes ougandais affiliés à l’Etat islamique poursuivent leurs activités dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).Dans l’Est de la République démocratique du Congo, le conflit opposant les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) et les Forces armées loyales est-il en train de faire oublier l’insurrection des jihadistes connus anciennement sous le nom de Forces démocratiques alliées (ADF) ? Selon le dernier rapport des experts de l’Onu sur la RDC consulté à APA, l’État islamique continue d’étendre sa zone d’intervention et d’attaquer les civils dans les territoires de Béni et de Lubero au Nord Kivu et dans le sud de l’Ituri. Un activisme expansionniste dans le pays malgré les opérations menées par les militaires congolais et leurs alliés ougandais au Nord-Kivu.
Créé officiellement en 1995 par Jamil Mukulu afin de renverser Yoweri Museveni au pouvoir depuis 1986 pour ensuite appliquer la charia en Ouganda, les Forces démocratiques alliées (ADF, sigle en anglais) ont été contraintes par l’armée ougandaise à s’installer dans l’est de la RDC.
Selon le rapport du groupe d’experts, les jihadistes, se sont simultanément déployés sur plusieurs fronts, en ayant pour objectif à se « réapprovisionner, à prospecter de nouveaux camps, à détourner l’attention des opérations militaires des ADF ou à se venger de ces opérations, notamment pour saper le soutien populaire à l’opération Shuja ».
À Beni, poursuivent les experts onusiens, « l’empreinte des ADF est large, avec des attaques dans la ville, au nord-est le long de la route RN4 entre Mamove-Oicha et Eringeti, au nord-ouest à la frontière avec l’Ituri, à l’est dans le Watalinga et au sud est, dans le secteur de Rwenzori, ou les rebelles islamistes avaient encore plusieurs camps ». Dans le secteur de Rwenzori, les attaques de certains membres des FARDC et d’hommes non identifiés, agissant parfois de concert et déguisés en ADF pour récolter et/ou voler du cacao se sont poursuivis ».
Le groupe d’experts indique que dans le sud-est, à Bashu, les attaques des ADF se sont poursuivies, atteignant le territoire de Lubero avec une activité accrue dans et autour de Butembo, y compris deux attaques impliquant des « engins explosifs improvisés ». Dans la même zone, les jihadistes ont libéré des prisonniers dont certains ont été ensuite enrôlés par les insurgés.
Les experts qui ont constaté une expansion des activités des ADF en Ituri, font état de « la mort d’au moins 370 civils tués par les jihadistes affiliés à l’Etat islamique depuis avril 2022 et l’enlèvement d’au moins 374, dont un nombre important d’enfants ».
Pour obtenir des médicaments, ils n’ont pas hésité à piller des centres de santé. Le 20 octobre 2022, les ADF ont attaqué Maboyo en territoire de Beni, tuant au moins sept civils, dont trois femmes et enlevant plus d’une dizaine de civils, contraints de porter du butin. Les assaillants ont aussi pillé et incendié deux centres de santé, quatre pharmacies, plusieurs maisons civiles et des magasins. « Ils ont besoin de se ravitailler quand leurs chaînes d’approvisionnement sont coupées par les opérations de l’armée. L’autre explication est liée au besoin naturel de soigner leurs blessés de guerre dans leurs camp », explique le journaliste congolais Fiston Mahamba Wa Biondi. Selon ce dernier, les jihadistes peuvent aussi « organiser des attaques contre les pharmacies et des institutions sanitaires qui travaillent avec leurs fonds et n’arrivent pas à rembourser ou à exécuter des tâches qui leur sont confiées ».
Le rapport s’est aussi inquiété de la propension du groupe jihadiste à utiliser des engins explosifs dans ses opérations, prouvant que le groupe optait désormais pour des opérations plus meurtrières, parfois en milieu urbain, y compris des attentats suicides, par le biais d’un réseau établi et de cellules opérationnelles.
En atteste la première attaque kamikaze commise le 7 avril à Goma impliquant un engin explosif improvisé porté par une femme. Il a été établi que l’attaque a été planifiée par les ADF en s’appuyant sur un réseau de collaborateurs à Goma. Le 6 septembre, un adolescent de 17 ans a déposé un engin explosif improvisé devant le bureau de l’Agence nationale du renseignement (ANR) à Butembo. L’explosion a blessé deux agents de l’ANR.
Cette professionnalisation du groupe serait-elle le fruit de ses liens indéniables avec l’Etat islamique ? Depuis 2019, les ADF ont fait allégeance à l’Etat islamique alors dirigé par Abu Bakr al Baghdadi. Le groupe d’experts constate qu’à partir d’avril 2022, le nombre de revendications au nom de la « province d’Afrique centrale » a de nouveau augmenté. Dans une logique de donner plus de visibilité à ses « provinces » africaines, l’EI encourage le ralliement à ces dernières et n’a cessé depuis à mettre en valeur leurs activités.
En novembre 2022, le groupe jihadiste a publié une vidéo de propagande de 20 minutes sur les ADF intitulée « la vie du jihad ». Clairement, l’objectif de l’international jihadiste est de montrer que les ADF se sont alignés sur son idéologie. Le 28 décembre, les branches médiatiques de l’EI ont publié une nouvelle vidéo d’un peu plus de neuf minutes des ADF, faisant leur allégeance au nouveau « Calife » Abu Hussein al Husseini al Qourachi, successeur de Abou Al Hassan al Hachimi Al Qourachi.