Après la signature d’un accord avec les talibans, les Etats-Unis resteront confrontés à de nombreux défis sur le plan militaire en Afghanistan, du retrait de leurs forces au désarmement des insurgés et à leur intégration dans l’armée nationale.
Pour préserver la sécurité des forces américaines sur le terrain, le retrait sera très progressif et le plus discret possible, indique-t-on au Pentagone, en donnant pour exemple la réduction des forces américaines en Syrie l’an dernier, qui s’est déroulée sans incident notable, mais sans témoin.
L’accord avec les talibans, qui doit être signé samedi à Doha, laisse entrevoir une fin à la guerre en Afghanistan, lancée le 7 octobre 2001 en réponse aux attentats du 11-Septembre. Elle est la plus longue que les Etats-Unis aient jamais menée.
Cet accord prévoit que les États-Unis s’engagent à retirer d’ici la fin de l’été une partie de leurs 12.000 à 13.000 militaires actuellement déployés en Afghanistan pour n’en garder initialement que 8.600, tout retrait supplémentaire étant lié à des progrès politiques inter-afghans.
L’objectif est d’éviter de faire des militaires américains restants une cible pour les talibans ou des jihadistes d’Al-Qaïda ou du groupe Etat islamique qui opèrent dans le pays, précisent des sources militaires ayant requis l’anonymat.
– Risque de dérapage –
La situation pourrait déraper si les forces américaines se retiraient avant qu’un accord politique entre les talibans et le gouvernement afghan soit mis en oeuvre, a prévenu un ancien conseiller de l’état-major américain, Carter Malkasian.
« Une fois que nous serons partis, les talibans pourraient juger que l’équilibre des forces a changé et qu’ils veulent dénoncer l’accord et reprendre les armes contre l’armée afghane », a-t-il averti au cours d’une récente conférence du Council on Foreign Relations.
L’accord étant basé sur des garanties sécuritaires des talibans, les insurgés devront contrôler leurs troupes sur le terrain au risque de voir certains d’entre eux tenter de faire dérailler le processus, a noté l’ancienne conseillère du Pentagone, Michèle Flournoy.
Il y a toujours « le risque du saboteur du côté taliban, le combattant local qui ne veut pas rendre les armes », c’est pourquoi l’accord de paix comprend des mécanismes de communication entre les deux parties en cas d’incident, a-t-elle noté au cours de la même conférence.
– Confiance dans les talibans? –
L’armée américaine a prévu de garder des éléments des forces spéciales pour poursuivre la lutte contre Al-Qaïda et l’EI, ce qui implique qu’à terme, elle mène des opérations « antiterroristes » dans des zones sous le contrôle des talibans.
C’est pourquoi l’accord prévoit des « mesures d’instauration de confiance » entre les deux parties, et les militaires américains ne cachent pas leur scepticisme sur leurs chances d’avoir un jour suffisamment confiance dans les talibans pour coopérer avec eux contre l’EI ou Al-Qaïda.
Questionné mercredi à ce sujet par des élus du Congrès, le chef d’état-major américain, le général Mark Milley, a noté qu’il « soutenait la signature d’un accord de paix avec les talibans ». « Mais je n’approuverai pas le partage de renseignement avec eux », a-t-il ajouté.
– Le défi de la réintégration –
Le plus grand défi sera de réintégrer les talibans dans la société afghane après près de 20 ans de guerre, nombre d’entre eux n’ayant connu que le métier des armes, explique à l’AFP James Dobbins, ancien conseiller de George W. Bush et de Barack Obama pour l’Afghanistan.
Un accord de paix durable « va nécessiter qu’ils partagent le pouvoir, ça veut dire qu’ils vont devoir intégrer les talibans au sein de l’armée afghane », ajoute-t-il. « Ce ne sont pas des choses faciles ».
Dans un rapport publié fin 2019, l’Inspecteur général pour la reconstruction de l’Afghanistan (Sigar), John Sopko, soulignait que « la réintégration, lorsque les combattants doivent revenir à la vie civile, se faire accepter par leur communauté, et trouver une source de revenus stable, est un processus long et complexe ».
Les Etats-Unis devront donc être prêts à investir massivement dans un programme de reconstruction du pays, sans quoi les quelque 60.000 talibans actuellement lourdement armés « seraient déçus de ne pas toucher les dividendes de la paix (et) pourraient replonger dans la violence », a ajouté M. Sopko.
« Il y a encore tant à négocier, que je pense que c’est un processus qui prendra plusieurs années », conclut James Dobbins. L’accord avec les Etats-Unis « est un début encourageant », dit-il.