Le gouvernement congolais applique depuis le 20 décembre 2019 une circulaire interdisant aux véhicules transportant au moins 30 tonnes de marchandises.
Cette interdiction vise singulièrement les grumiers qui transportent du bois entre le nord du pays et le port de Pointe-Noire. Pour certains exploitants forestiers, cette décision risque d’« asphyxier » le secteur. Elle pourrait favoriser les ports maritimes des pays voisins, selon des analystes économiques. Le port de Brazzaville salue plutôt la mesure.
Des files de véhicules embourbés pendant de longues heures voire des jours : c’est l’image que présente la nationale 2 à certains endroits depuis quelque temps. Cette voie s’est tellement dégradée que le gouvernement impose désormais aux exploitants de faire passer leurs camions grumiers par la route dite des forestiers ; une route de contournement d’environ 1 500 kilomètres.
La décision vise à protéger et sauver le reste de la nationale 2, selon la direction générale des travaux publics. Un argument soutenu par Pierre Bissoto, directeur général du Port de Brazzaville.
« La route entre Owando et Yié n’est pas bonne. C’est une vieille route qui n’a pas été construite pour supporter de grandes charges. Elle s’est complètement dégradée ; c’est pour cette raison que le gouvernement a pris la mesure de l’interdire aux grumiers », explique Bossoto.
Le port de Brazzaville semble se frotter les mains parce que les grumes du nord-Congo transitent par là avant de gagner le port de Pointe-Noire où elles sont exportées.
« Ça nous permet effectivement de récupérer le trafic qui devrait passer par la route. Ça fait du bien pour la voie d’eau qui est une voie naturelle, moins chère et surtout écologique », se réjouit Pierre Bossoto.
« En nous interdisant la nationale 2, le gouvernement risque d’asphyxier les exportations du bois et partant l’économie nationale », commente sous couvert d’anonymat un responsable de l’entreprise Bois et placage de Lopola. « Nous craignons une augmentation de nos charges et surtout la suppression des emplois », ajoute-t-il.
Pour l’analyste économique Alphonse Ndongo la décision gouvernementale risque de pénaliser le port de Pointe-Noire.
« Souvent dans certaines situations il est arrivé que des produits fabriqués au Congo dont des produits forestiers – comme le bois – soient comptabilisés dans les statistiques d’un pays voisin dont je ne vais pas citer le nom. Cela renforce la puissance ou la dynamique de l’économie de ce pays voisin alors que c’est le Congo qui aurait pu enregistrer ces statistiques », analyse M. Ndongo.
La dégradation de la nationale est un paradoxe aux yeux d’Alphonse Ndongo d’autant plus qu’elle disposait d’un poste de péage jusqu’en 2019. Quant à la voie des forestiers désormais imposée aux grumiers, il estime qu’elle va créer des coûts supplémentaires. « C’est la première route qui a pu connaître ce qu’on appelle des stations de péages : tout le monde payait et tout le monde paie. Où est parti cet argent ? », s’interroge-t-il.
Le bois est le deuxième produit d’exportation au Congo après le pétrole. Le pays a exporté près d’un million de mètres cubes vers l’Europe en 2015.