Le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH) a publié son rapport sur les tueries perpétrées le 16 et 17 décembre 2018, dans la contrée de la province de Maï Ndombe.
Dans leur rapport publié le 12 mars, les enquêteurs du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH) affirment que les tueries perpétrées le 16 et 17 décembre 2018, dans la contrée de la province de Maï Ndombe, ont été planifiées et exécutées avec l’appui de certaines autorités locales.
C’est un véritable pavé que vient de jeter dans la mare le rapport du BCNUDH sur les violences interethniques ayant émaillé la période préélectorale, entre le 16 et 17 décembre 2018, dans le territoire de Yumbi (province de Maï Ndombe). Un document accablant qui résultent des enquêtes menées depuis février par l’ONU dans ce territoire, théâtre d’affrontements consécutifs à un conflit foncier opposant les communautés Batende et Banunu autour du lieu de l’enterrement d’un chef coutumier Banunu.
Le bilan de ces violences interethniques ayant étendu leurs tentacules jusque dans les territoires avoisinants tels que Bongende et Nkolo, est plus que salé. Dans leur rapport de vingt-quatre pages, les enquêteurs de l’ONU ont fait état d’au moins cinq cent trente-cinq morts et cent onze blessés. Des chiffres qui, naturellement, ne sont qu’approximatifs car, déjà en février, plus de huit cent quatre-vingt-dix personnes tuées lors de ces violences dont des civils et des membres de forces de sécurité congolaises avaient été recensées. Le nombre réel de victimes, à en croire l’ONU, serait plus élevé car, révèle le document, « de nombreux corps ont vraisemblablement été jetés dans le fleuve Congo ou enfuis dans des fosses communes non encore découvertes en dehors d’une cinquantaine découverte dernièrement ». L’on parle de plus de seize mille civils qui s’étaient réfugiés au Congo Brazzaville et de plus de dix-neuf mille autres qui auraient gagné des localités voisines.
Un massacre prémédité et planifié
Pour l’ONU, il ne fait l’ombre d’aucun doute que les violences ainsi documentées à Yumbi présentent des éléments constitutifs de crime contre l’humanité par meurtre, persécution, transfert forcé de population ou violences sexuelles. L’ONU va même plus loin en stigmatisant le caractère prémédité et planifié de ces agressions essentiellement dirigées contre la population Banunu bien que les assaillants aient aussi atteint d’autres personnes n’appartenant pas à cette ethnie. À ce propos, le texte affirme que les autorités territoriales et provinciales étaient saisies de la situation de tensions exacerbées entre les deux communautés à partir du début du mois de décembre 2018. Elles avaient été informées de l’imminence d’une attaque et des préparatifs qui ont eu lieu dans les villages Batende, font observer les enquêteurs de l’ONU qui confirment, en outre, que les assaillants auraient reçu des instructions.
Les attaques étaient dirigées par « des villageois Batende équipés d’armes à feu, notamment de fusils de chasse, de machettes, d’arcs, de flèches et d’essence, et ciblaient les villageois Banunu », indique le rapport. D’autres témoignages repris dans ce document onusien soutiennent l’utilisation « d’armes automatiques et de grenades par certains des assaillants ». Ce qui conforte l’ONU dans sa conviction selon laquelle les tueries étaient bien planifiées et exécutées avec l’appui des chefs de certains villages à majorité Tende. En outre, note le rapport, « des policiers étaient directement ou indirectement affiliés à l’une ou l’autre des communautés impliquées dans les violences ».
Par ailleurs, l’ONU a déploré l’absence de l’autorité de l’Etat à Yumbi et ses environs, ce qui a donné carte blanche aux assaillants pour se livrer à leur basse besogne. « L’ampleur des violences des attaques dans le territoire de Yumbi a été facilitée par l’absence de l’autorité et des services de l’Etat qui puissent agir et être perçus comme neutres, et par le rôle prédominant des autorités et règles coutumières dans le territoire », souligne le rapport.
Enfin, les enquêteurs regrettent qu’en dépit des signes de tensions croissantes et des échéances électorales, « aucune mesure préventive n’a été prise pour renforcer la présence de l’État dans ce territoire et éviter les violences entre les deux communautés ».